François Hollande est sorti de l’Elysée et s’est promené dans le pays. Il nous explique que nous avons trop de déficit public, trop d’impôts et de charges, une administration trop complexe, trop de normes et pas assez de liberté et de rentabilité pour investir et embaucher. Merci Président. Il nous annonce alors qu’il va mener une vraie mutation de la France, avec des entreprises plus grosses et plus efficaces (sur le modèle allemand ?) et avec un Etat plus souple, réactif, moderne (sur le modèle anglais ?).
Schröder derrière Hollande ? C’est l’idée à la mode. Le SPD derrière le PS, avec ce fantastique travail de remise en marche de l’économie allemande qui a consisté à agir sur la baisse des allocations chômage d’un côté, sur la modération salariale de l’autre. Ces mesures ont été violentes, mais acceptées par la population car soutenues, au fond, par les syndicats. La cogestion allemande, qui existe de fait dans les grandes entreprises et se retrouve partout dans les mentalités, c’est que la production permet la répartition, l’offre la demande, et le profit le revenu. Vous avez dit : « bon sens » ? Donc pour retrouver la compétitivité perdue, il nous faut faire fonctionner à l’envers le théorème de Schmidt : « le profit d’aujourd’hui c’est l’investissement de demain et l’emploi d’après-demain » devient : « si vous voulez plus d’emploi demain et après-demain en France, il faut plus d’investissement en France et hors de France et bien plus de profit hors de France et en France ». Est-ce que Hollande est prêt à faire son Bad-Godesberg ?
Blair derrière Hollande ? C’est l’autre idée à la mode. Le Labour derrière le PS ; l’idée que le PS « is not a monument but a movement ». Il faut alors que le PS change pour expliquer que le marché n’est pas le mal, la flexibilité pas la précarité, l’efficacité pas l’austérité, la finance un moyen pour croître, à surveiller certes, mais pas « cet ennemi sans visage ». Est-ce que Hollande est prêt à dire « there is no alternative » ?
Hollande est Hollande et la France… la France : place donc à la politique ! Inutile de cherche à plaquer ici des solutions qui marchent ailleurs. La démarche de François Hollande est incertaine, usant les alliés, exaspérant les extrêmes, exténuant le centre, divisant la droite. Bref : politique.
Mais ce jeu ne fait rire que nous. Chaque jour, il faut 800 millions pour « refinancer» notre dette publique et nous en offrons le tiers. Le reste vient d’Asie, Japon et Chine, avec des banques centrales qui nous financent dans de bonnes conditions. Elles nous aiment, c’est bien. Elles ne veulent pas que la zone euro s’effondre et que les Etats-Unis gagnent, c’est compréhensible. Elles ont eu très peur de l’Espagne et de l’Italie, et ceci se dissipe. C’est pourquoi nos taux montent dans l’absolu, puisqu’ils montent partout, mais aussi qu’ils montent relativement à l’Allemagne (0,5 % il y a six mois, 0,6 % aujourd’hui) et surtout que l’écart baisse par rapport à l’Espagne ou l’Italie (1,4 % aujourd’hui, 2 % il y a six mois, 3,4 % il y a un an et demi).
Attention : les marchés se mettent à nous regarder différemment. Pour eux, la France n’est plus « l’Allemagne + un risque, mais qui n’a rien à voir avec le sud ». Nous sommes « un pays qui ne fait pas d’efforts alors que le sud en fait beaucoup». Or 1 % de taux sur la dette, c’est 20 milliards de plus : nous devons envoyer des messages clairs sur nos choix.
Hollande a tout intérêt à jouer cette politique d’adaptation à une sortie de crise plus compliquée, lente et risquée que prévu. Ce qu’il craint, s’il est vu comme Schröder ou Blair, c’est de perdre les élections, les Français refusant ces propositions. Mais nous n’en sommes pas là. La droite n’a ni Merkel ni Cameron. Surtout la population est prête à ces efforts. Simplifier, innover, employer, former, PME… voilà pour bien remplir ce dialogue social. Commençons, avec Hollande !