Quelle monnaie demain : hélicoptère, fondante, crypto ?

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 Quelle monnaie demain : hélicoptère, fondante, crypto ?

Que vont nos monnaies devenir pour faire repartir la croissance ? Va-t-on virer des dollars et des euros directement dans nos comptes bancaires : ce sera la « monnaie hélicoptère », déversée par la Fed ou la BCE ! Va-t-on imprimer, sur les billets, une date de validité ? Comme les produits alimentaires, si elle est dépassée, ils ne vaudront plus rien : ce sera la monnaie fondante ! Va-t-on créer des monnaies digitales qui s’échangeront immédiatement et sans frais, partout, entre deux personnes, sans passer par une banque : ce seront des monnaies cryptées ? Mieux encore, va-t-on vers une monnaie cryptée, la Libra stable de Facebook, qui concurrencera dollar ou euro ?

Le temps des grandes monnaies, sûres mais fluctuantes, des pays développés est-il compté ? Ce temps où la baisse des taux d’intérêt faisait repartir le crédit, donc la monnaie, l’activité, les salaires et l’inflation ? On peut se poser la question, car aujourd’hui, comment sortir de cette phase de croissance faible et sans inflation, même si les taux d’intérêt sont au plus bas, même si le plein emploi s’installe aux États-Unis, en Allemagne et au Royaume-Uni ? Que faire si entreprises et ménages préfèrent entasser des liquidités ?

Monnaie hélicoptère ? En 1969 ou maintenant ? « Supposons qu’un jour un hélicoptère vole au-dessus de cette communauté et largue 1 000 dollars en billets depuis le ciel. Évidemment, les membres de la communauté vont s’empresser de récolter les billets. Supposons encore que tout le monde est convaincu que cela était un événement exceptionnel qui ne se répétera pas. » Ce n’est pas un fou qui parle mais Milton Friedman, Nobel d’économie classé à droite. Il ajoute bien sûr que ce largage n’aura aucun effet positif à long terme : à éviter donc. Mais l’idée revient en force, face aux problèmes de la zone euro.

Car, disent les défenseurs de la monnaie hélicoptère, si l’actif sans risque par excellence, le bon du trésor allemand à 10 ans rapporte -0,4% dans une économie au bord de la récession et un pays en excédent budgétaire (1,5% du PIB), il faut briser les tabous. Et demander à la BCE de virer 1000 euros au compte de chaque membre de la zone euro. Un « don » de 400 milliards qu’elle récupèrera, en réduisant ses futurs dividendes. Ces 1000 euros, dépensés, soutiendront la consommation. Mais il faudra une crise sévère pour que cette idée passe ! Il serait si simple d’avoir un budget de la zone euro moins ridicule que l’actuel pour soutenir les innovations et le verdissement, ou que les pays qui le peuvent (Allemagne et Pays-Bas) rénovent leurs infrastructures ! Pas d’hélicoptère donc, car tout ne va pas assez mal !

Monnaie fondante ? Nous sommes en 1916 avec Silvio Gesell et sa proposition d’une monnaie qui se déprécie avec le temps, payant des « frais de garde » ! Alors, ménages et entreprises ajustent leurs encaisses et, pour le reste, consomment ou investissent en machines, maisons ou actions. L’idée n’est pas d’accroître le stock de monnaie, comme avec l’hélicoptère, mais de pousser à dépenser plus vite celui qui existe. Avec bientôt des taux négatifs sur les dépôts bancaires, nous en approchons !

Monnaies crypto : nous y sommes. Elles veulent que les paiements se fassent plus vite et moins cher d’un pays à l’autre : un progrès technique, pas un outil de politique monétaire. Le bitcoin, la plus célèbre, permet de payer sans passer par une monnaie classique, de façon discrète (cryptée), en « transportant » l’historique de ses transactions dans la blockchain. « Innovation intéressante » disent les banques centrales, mais à surveiller car elles sont trop volatiles, fragiles et peuvent financer des activités douteuses ou criminelles. Surtout, et banques centrales et trésors nationaux ne le disent pas, elles peuvent concurrencer les monnaies installées, pas trop le dollar et l’euro, mais déstabiliser celles de pays en crise. Vient la Libra, qui propose en sus la stabilité, par rapport au dollar et à l’euro, garantie par 100 milliards de dollars de contrepartie (55% en bons du trésor US et 25% en ceux de la zone euro), le tout sous la houlette de Facebook ! Moins cher, sûr, stable : la relève ?

La monnaie hélicoptère reste au garage, si la crise n’enfle pas. La Libra poussera les grandes monnaies à être plus efficaces, mais peut mourir sous les contrôles. Nos monnaies veulent bien se moderniser, mais s’accrochent ! Entretemps, la monnaie fondante des taux négatifs fait le travail !