Pyrrhus et Thucydide appellent Trump

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 Pyrrhus et Thucydide appellent Trump

Trump : Qui êtes-vous ? Quels noms vous avez ! Comment avez-vous eu ma ligne directe ? Je suis très pris !

Pyrrhus : Pardonne-nous Président, nous te contactons depuis le Royaume des morts, pour te faire part de nos peurs et de nos expériences.

T : Depuis le Royaume des morts ! Allez, continue, je ferai enquêter pour savoir quel maudit whistleblower tu es. Parle : c’est enregistré.

P : Ce n’est pas un problème. Voilà pourquoi je t’appelle : parce que je suis entré dans l’histoire avec une malheureuse étiquette : « victoire à la Pyrrhus ».

R : Pas clair !

P : Je te dis. Il y a très longtemps, trois siècles avant JC, j’étais roi de Macédoine et voulais toujours m’étendre chez les voisins, surtout les Romains. J’avais des troupes aguerries, des cavaliers, des officiers, des éléphants. Dans la guerre, Rome perd des batailles et beaucoup d’hommes. Mais Rome peut remplir les vides dans ses rangs, pas moi. Je suis loin de mes bases. J’ai gagné, mais ne puis continuer. J’arrête les combats, rentre chez moi en Epire et déclare « Si nous devons remporter une autre victoire sur les Romains, je rentrerai seul ». Rome a tremblé, mais n’a rien cédé. Moi au contraire me suis affaibli et ai inquiété mes alliés.

T : Donc tu es entré dans l’histoire en disant que tu avais perdu en gagnant !

P : Non, en disant qu’il faut toujours regarder le combat qui suit. Chercher, après « une » victoire, la série qui, seule, fait « La » victoire.

T : Compris : tu me dis que j’ai été impulsif, irréfléchi !

P : Président, je dis qu’il faut toujours au moins un coup d’avance, ménager ses troupes, son argent et consolider ses conquêtes ! Mais c’est plus facile à dire qu’à faire, j’en ai été la preuve « vivante » – si j’ose dire !

T : Merci ! Et toi, avec ton nom imprononçable ?

Thucydide : Thucydide Président, moi je ne suis pas un soldat mais un historien grec, mort 130 ans avant le bouillant général qui te parlait.

T : Et toi, tu vas encore me critiquer pour me laisser emporter par la colère ?

Th : Plutôt par la peur ou la jalousie, je ne sais pas encore. Moi, je suis entré dans vos bibliothèques et suis connu par vos concitoyens pour l’étude des guerres entre Sparte et Athènes. Certains d’entre eux ont même fait un parallèle entre Sparte/Washington, la gagnante et Athènes/Pékin, qui voulait la remplacer, et leurs guerres.

T : Et alors ?

Th : Moi j’ai dit qu’Athènes avait perdu au début, puis gagné, mais que c’est en fait la Grèce de ces deux grandes villes affaiblies qui, à la fin, a perdu. Ils ont même nommé « piège de Thucydide » celui qui fait déclarer la guerre au rival potentiel, alors qu’il y avait d’autres façons de gagner, surtout sans perdre la Grèce.

T : Vous êtes morts, mais me faites penser à mes généraux, qui demandent de réfléchir à plus d’un coup et à mes conseillers, qui me demandent de ne pas trop dépenser ni de ne pas effrayer plus mes alliés que mes ennemis ! Vous êtes des losers, entre la « victoire de l’un » et la « trappe de l’autre ». Vous croyez que je ne vois pas pour qui vous travaillez !

: Mais je voulais battre Rome, le grand rival de mon temps !

Th : Et moi sauver la Grèce, qui aurait pu conquérir la Perse.

T : La quoi ?

Th : L’Iran si vous préférez.

: Si je comprends bien, vous me dites qu’en étant impulsif, dépensier, sans consolider assez mes alliances pour encercler le rival, je fais son jeu ? Et que la flèche moderne que j’ai envoyée contre le général « perse » est un piège contre moi, « une victoire à la Pyrrhus ». Et vous ajoutez qu’en attaquant un allié d’Athènes-Pékin j’affaiblis Sparte-Washington, le piège à votre nom !

P et Th : Mais ce sont les leçons de nos histoires !

: L’histoire donne des exemples de tout, donc pas de leçons !

P et Th : Là, je crains que vous n’ayez raison !

T : Mais je défends la liberté des échanges, le rêve de chacun de devenir plus riche ! Et au niveau mondial, pas à celui de vos petits royaumes !

P et Th : C’étaient les royaumes et empires du temps. Nous avons même tenté de bâtir des démocraties.

T : Et moi, qu’est-ce que vous croyez que je fais ?

P et Th : Contre la Chine ?

: Je la pousse à la faute, à dépenser plus que de raison pour se renforcer, acheter ses alliés, leur prêter, s’armer, puis je menacerai ses coffres. Je dirai stop et l’argent partira. La Chine aura perdu : ruinée !

P et Th : Et vos coffres ?

: Vides : ce sont mes amis et mes ennemis qui les emplissent, parce que c’est plus sûr !

P et Th : Mais c’est fou !

: Non : c’est le piège de Trump !