Freud : Bonsoir Président, je vous attendais !
Poutine : Bonsoir Docteur, comment pouviez-vous donc savoir que j’allais arriver ? Vous aussi, vous avez des espions ?
F : Non bien sûr, pas moi. Je vous examine depuis longtemps, vous scrute même depuis quelques jours, sans oublier que, à Vienne, j’ai eu quelque expérience.
P : Mais je ne viens pas vous voir pour comprendre ce qu’on dit de moi : je ne suis pas paranoïaque, mais pour savoir pourquoi tout le monde croit que je le suis !
F : Je vous entends. « Paranoïaque », pour les médias américains surtout, c’est souvent ce qu’ils n’arrivent pas à comprendre chez les responsables politiques hors des États-Unis et chez Trump, s’ils ne l’aiment pas bien sûr. Il s’agit de « responsables qui se croient entourés de traîtres et de complots ». « Mégalomane », c’est plutôt un vocable utilisé chez eux pour certains de leurs patrons. Ceux-là veulent aller au-delà de leur empire, et voler autour de la terre ! Dans votre cas, je dirais plutôt qu’il s’agit des effets d’un despotisme prolongé.
P : « Despotisme prolongé », comment osez-vous ! Je ne vous permets pas.
F : Pourtant, c’est exactement ce que je diagnostique pour vous. Voilà des années que personne n’ose s’opposer à vous. Ce que vous dites est exécuté, ou c’est vous qui exécutez. Vous vivez alors, de fait, dans un monde parallèle, mou, sans résistance, sans remarque, sans critique, sans limite. Les portes s’ouvrent seules quand vous approchez, le fauteuil s’avance, le plat vous attend. Votre monde est celui de ce Métavers qui vient d’être officiellement inventé aux États-Unis. C’est une vie dans un monde parallèle, à part, une schizophrénie comme diraient les Grecs.
P : Mais si j’attaque l’Ukraine, c’est pour leur démilitarisation et leur dénazification. Je l’ai expliqué comme cela à la télévision, à mon peuple !
F : Bien sûr, mais est-ce que vous-même y croyez ? Si la réponse est non, alors c’est normal. C’est de la propagande pour temps de guerre, même un peu grossière, pardonnez-moi. Si la réponse est oui, alors c’est plus grave.
P : Soyez donc plus clair !
F : Votre peur de l’Otan est obsidionale, c’est celle des villes qui se voyaient toujours assiégées. Le meurtre du père devient chez vous celui des pères : Gorbatchev, Brejnev, Khrouchtchev, et même Staline et Lénine, tous des faibles selon vous. Et vos références à Catherine II ou à Pierre Ier ne sont pas le retour à la mère ou au père, mais au début, à la naissance.
P : A l’utérus ?
F : Non : à la force brute, à l’énergie primaire. Vous êtes obsédé par la décrépitude, parce que vous ne voulez pas voir que les empires ne meurent pas de vieillesse, mais vaincus par plus audacieux, plus fort qu’eux. Vient toujours un temps où, pour durer, il leur faut s’allier, changer. D’où votre haine de cette alliance Europe-Otan et votre peur de la vigueur chinoise.
P : Mais c’est ridicule ! Il s’agit pour moi d’empêcher les américains et leurs acolytes d’étrangler la Russie et la Chine ; rien à voir avec la peur d’être encerclé ou le culte de la sauvagerie. Sous leurs grands mots de « démocratie », de « droits de l’homme » et de « respect de la loi », les États-Unis nous ont menti sur l’Otan, comme sur les fameuses « armes de destruction massive » de l’Irak. C’était le pétrole qu’ils cherchaient !
F : Vous savez, selon moi, nous vivons toujours entre des pulsions sexuelles et de mort. Alors, mentir c’est au fond maquiller ses pulsions, donc une certaine façon de mûrir ! Les États-Unis veulent toujours, comme du temps de l’Urss, contraindre la Russie, pour des raisons plus ou moins vraies, en fait de virilité. Et la Russie, en s’alliant à la Chine, craint de perdre définitivement la sienne, face à une Chine qui projette désormais son ego au monde, avec ses « Routes de la soie » !
P : Mais même si je mens, c’est pour de bonnes raisons, comme tous les pays, et plus ils sont grands…
F : J’ai compris. Et comme vous ne pouvez restaurer l’empire perdu de Pierre le grand, tout comme Xi Jinping ne le peut pour l’Empire du milieu du monde, vous rêvez de vous associer. Ce serait un Empire euro-asiatique qui dominerait le globe, sans exemple historique : plus que Gengis Khan. Le problème, c’est que rêver que l’Histoire fasse machine arrière, c’est pour avoir plus de pouvoir, pas pour libérer l’homme de l’exploitation comme le prétendaient Lénine ou Mao, mais obéir toujours à une pulsion de pouvoir.
P : Et alors ?
F : La pulsion de pouvoir est une pulsion de mort.
P : Et alors ?
F : Rien.