Pour Noël, vous « reprendrez » bien un peu de bûche, dette ?

- Ecrit par

 Pour Noël, vous « reprendrez » bien un peu de bûche, dette ?

« Bien sûr que oui ! »

« Reprendre de la dette » est une expression en vogue. 10 milliards de dettes des hôpitaux seront « repris » dans la dette publique sur trois ans, si la loi sur leur réforme est votée par nos « gentils députés ». Déjà, ces « gentils députés » ont voté une « reprise » de 35 milliards de la dette de la SNCF, 20 pour 2020 et 15 pour 2022. Cependant, les événements les plus récents ont montré que ceci n’avait pas été perçu comme un cadeau ! De fait, « reprendre » la dette des hôpitaux ou de la SNCF n’a aucun sens technique. En effet, la SNCF, comme les hôpitaux, sont des APU, des Administrations Publiques, dont la dette est déjà intégrée dans la dette publique ! Donc l’État peut toujours « reprendre » directement à son compte une dette, mais comme elle est déjà « reprise » dans le total, ceci ne change comptablement rien à l’ensemble ! Mais alors pourquoi dire « reprendre » ?

 

Donc je dois dire : « Pour Noël, vous « reprendrez » bien un peu de bûche, dette, que je vous ai déjà donnée ? »

Oui, ce cadeau n’en est pas un. C’est (peut-être) un engagement public : « je reprends cette (bûche) dette, dit l’État, donc elle ne pèse plus sur votre (estomac) moral, vous inquiète moins vous pour votre gestion et vos banques qui vous font crédit. Alors, vous tous pourrez investir et moderniser plus. Et vous, dans les hôpitaux, vous pourrez distribuer des primes en fonction des performances ! » Donc « reprendre de la (bûche) dette » n’est pas en reprendre. C’est pour aller mieux et plus vite en gérant plus efficacement. Alors cette « reprise » de la dette d’hier fera diminuer la dette future !

 

« Mais de qui vous moquez vous ? »  diront les manifestants : « ce non cadeau, c’est pour nous gérer de façon plus serrée ? ». 

Comprenez-moi, répond l’État : « je n’ai pas d’autre solution, pas de quoi remplacer le métro, le TGV ou les hôpitaux s’ils s’arrêtent. Donc, un : prestidigitation. En disant que ‘je reprends’, j’implique plus directement les générations futures qui ne s’en rendent pas compte. Deux : hypnotisme. Je réduis les inquiétudes des banques, des labos pour les hôpitaux, d’Alstom et des sous-traitants pour la SNCF. Je leur dis que c’est moi qui paierai directement, mais pas plus vite, puisque je les paye en m’endettant plus ! Trois, et surtout : pari. Cette ‘reprise’ n’a de sens qu’avec des restructurations et des réorganisations, donc un management plus efficace et ‘viril’. Ce seront les ‘maisons de soin’ et les hôpitaux de proximité par différence avec les grands hôpitaux, seuls à même de mener les opérations les plus délicates. » !

 

Et l’État, inarrêtable, ajoute : « Même pari pour la SNCF : la première reprise (de 25 milliards) était obligatoire pour faire passer la loi transformant la SNCF en société anonyme. Autrement, elle n’était pas viable. Mais ce n’a pas été tout : pour que cette ‘reprise’ ait été possible, donc le changement de statut « accepté » par les syndicats, j’ai écrit dans la loi que les 100% détenus par l’État sont incessibles (et les œuvres sociales préservées). Resteront 10 milliards à ‘reprendre’. Et ce n’est pas tout ! Le gouvernement s’est engagé à augmenter les financements publics à 3,8 milliards par an. Et ce n’est pas tout ! N’oublions pas les conditions de transfert de personnel de la SNCF aux concurrents qui auront gagné des marchés de dessertes de lignes : priorité au volontariat et sans changement de domicile ! » Donc, quand Bruno Le Maire déclarait fin février 2018 : « La priorité, c’est transformer la SNCF, la rendre plus compétitive, dégager des bénéfices et au bout du compte, à la fin de cette transformation, nous pourrons envisager que l’Etat reprenne la dette de la SNCF » il sautait quelques étapes. En fait, nous avons « repris » bien avant, et bien plus !

 

« Donc ‘reprendre la dette’, c’est pour permettre une ‘reprise en main’ ? » répètent les manifestants ?

« Mais c’est pour le bien de tous ! » répond l’État. Quand il s’engage au lieu de la SNCF ou de l’hôpital de Perpignan, c’est d’abord un peu moins cher. C’est un peu d’oxygène pour agir. Surtout, derrière ces jeux de bonneteau comptable, il y a le pari que des patrons efficaces, courageux et plus libres d’agir vont changer les choses. Mais attention ! On ne dit pas « patrons efficaces, courageux et libres d’agir » mais : « transformer la SNCF » et « investir pour l’hôpital ».

 

« Allons, vous ‘reprendrez’ bien un peu de bûche ? »

Si c’est de la bûche, oui !