Politique industrielle le 11 septembre chez D. Cameron à Londres et le 12 chez F. Hollande à Paris : que se passe-t-il ?

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La politique industrielle est dans chaque pays d’Europe, mais pas en Europe. En Allemagne elle est entrée dans les faits, et depuis longtemps. En France elle est plus dans les textes et les discours que dans les faits et dans les comportements, mais elle existe. La voilà désormais dans l’Angleterre de David Cameron, alors que c’était jugé impossible, erroné, ridicule il y a peu de temps. Que se passe-t-il donc ?

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La crise mondiale rebat les cartes. Si les « pays industrialisés », comme dit le FMI, veulent repartir, il faut qu’ils aient bien plus de croissance privée. Et comme ils vieillissent, il leur faut encore plus d’innovation et moins de dépense publique. Seule l’innovation dans l’industrie et dans les services, ensemble, mettra la compétitivité sur une autre trajectoire qu’une baisse des coûts salariaux qui peut nous tuer. Cette politique industrielle permettra de moderniser l’Etat, pour le rendre plus efficace. Plus de croissance privée et moins de dépense publique sont partout indispensables, ce qui implique de mieux choisir et gérer la dépense publique.

Il faut beaucoup plus d’argent et plus risqué. La profitabilité des entreprises est réduite après cette crise, notamment celle des PME : elles hésiteront à se lancer dans l’aventure de l’innovation. Les systèmes financiers en Europe n’ont pas les moyens de financer à la fois les grandes entreprises qui veulent racheter de gros concurrents et des « pépites », plus les PME qui veulent rattraper leur retard d’investissement, plus les start-ups qui veulent défricher avec des mises de fond de niveau mondial. Il est économiquement et socialement normal que de l’argent public soit mis à disposition pour prendre plus de risque, notamment pour les PME et les start-ups. Mais combien ? Mais d’où ? Mais comment ?

Si les Etats n’aident pas, ils ne survivront pas et l’Europe avec. La sortie de crise s’avère partout plus lente et plus compliquée que prévu. Si le pire est derrière, à savoir l’explosion bancaire et la faillite de certains pays de la zone euro, l’avenir n’est pas très rose. Les pays du Sud sont très endettés (Grèce, Portugal, Espagne, Italie) et devront être encore soutenus. Ce sont des décennies de normalisation qui se préparent partout, avec le risque d’un refus populaire devant les impôts, le chômage de masse et la baisse des prestations sociales, si rien ne change. Si rien ne repart vraiment.

Pour avancer, la tentation est d’innover chacun chez soi, chacun pour soi, avec le risque de déboucher sur des programmes qui se ressemblent tous en perdant la puissance de frappe que seule donne l’Europe. Chacun, dans ses programmes, essaie d’économiser de l’énergie, d’avoir de meilleures voitures et des moyens de transport par air ou par train meilleurs et moins chers, des systèmes de santé plus efficaces et moins chers, une éducation plus moderne, des logements moins énergivores dans des villes moins polluantes… C’est très bien d’avancer ainsi et de montrer ce que chacun peut faire. Mais ce serait tellement mieux de le faire ensemble ! Le risque est de se concurrencer dans des programmes qui auront, chacun, moins de moyens et donc plus de risques, n’ayant pas la taille critique mondiale. Il faut regarder ce qui se passe aux Etats-Unis, et désormais en Chine, si on veut revenir dans la course.

Une nouvelle stratégie de Lisbonne doit être lancée. En 2000, l’Union européenne voulait devenir « l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde d’ici à 2010, capable d’une croissance économique durable accompagnée d’une amélioration quantitative et qualitative de l’emploi et d’une plus grande cohésion sociale». On mesure l’écart entre les projets et les réalisations, autrement dit l’échec. Mais on voit le risque de ce nouveau « chacun pour soi ». Les programmes nationaux doivent servir de base à des démarches plus globales entre pays européens, à mener au plus tôt.

Au minimum, il faut repartir entre France et Allemagne. Il faut partager le Charbon et l’Acier de notre époque. Cette politique industrielle et servicielle fonctionnera avec un rapprochement fiscal et social qui se met aujourd’hui en place, mais à côté. Mais trop à côté. La limite est que le tout ne fait pas encore assez sens, assez poids, assez entraînement, assez enthousiasme. Il faut renforcer cette démarche en l’unifiant, et au plus tôt, avant que chacun ne fasse un peu plus de « son » bout de chemin, un bout qui n’amènera pas l’Europe bien loin.