Licorne : ce n’est pas seulement ce beau cheval blanc avec sa corne sur le front, c’est aussi le nom qu’on donne à une entreprise née depuis 2000 et qui vaut plus d’un milliard de dollars. Moins poétique sans doute, mais presque aussi rare. Ce type de licorne, c’est ce qu’il nous faut, pour avancer et gagner dans ce monde. Tout y va plus vite et surtout court-circuite les anciennes pratiques. Mais c’est compliqué ! Donc il faut redoubler de soins et de moyens.
On compte trois licornes en France : Critéo, Blablacar, Vente privée. Blablacar est née en 2001. Elle nous permet de partager le prix de la course avec un chauffeur, tout en causant. Vente privée est née en 2001. Elle nous permet d’acheter des produits de luxe à l’occasion « d’événements », donc moins chers. Critéo est née en 2005. Elle murmure aux publicitaires les messages qui correspondent à nos intentions d’achat. Elle décrypte l’historique de notre navigation sur les sites Internet et devine ce que l’on cherche.
3 licornes en France, 150 dans le monde : nous avons 2 % du cheptel. C’est vrai qu’il s’agit là d’une appellation exigeante. Etre licorne aujourd’hui, c’est avoir créé plus de 60 millions de dollars de valeur par an si on est née en 2000. Leur taux de natalité est donc faible : huit naissent chaque année dans le monde. La bonne nouvelle, c’était qu’elles étaient quatre il y a quelques années, et seulement aux Etats-Unis.
Ceci donne pour le cheptel dans son ensemble une valeur de plus de 500 milliards de dollars, soit plus de 3,5 milliards par tête, hors Facebook et Uber. Ces chiffres sont toujours à relativiser, certains experts ne considérant plus comme licornes les sociétés qui sont allées se faire coter en bourse. Elles y auraient perdu leur pureté, mais sûrement gagné en poids. Les licornes sont environ 80 aux Etats-Unis, 40 en Europe et 10 en Chine.
D’abord, et ce n’est pas une surprise, les plus belles sont américaines et valent plus de 3,5 milliards pièce, les européennes 3. Pas une surprise non plus si toutes sont expertes en informatique et en traitement de données.
Ensuite, les trois quarts se développent surtout en s’occupant de vous, en vous rendant service. C’est du B to C, Business to Consumer, pour ne pas dire la désintermédiation de ce qui était fait auparavant par le postier ou le taxi. Le postier est devenu la plus belle des licornes : Facebook. « Ex-licorne » selon certains puisque cotée, elle les écrase toutes de ses 250 milliards, mais sait rester sympa avec ses petites camarades. Le taxi, c’est désormais Uber et ses 75 milliards.
Enfin, l’autre quart des licornes s’occupe des entreprises qui… s’occupent de vous : c’est du B to B, Business to Business. Elles sont moins connues, bien sûr, et moins bien valorisées. La chef de ce groupe semble être Workday. Née en 2005, elle permet à tous les salariés d’une entreprise de mieux communiquer et de traiter les informations financières, les ressources humaines, en leur donnant en plus des outils de prévision. Valeur : 15 milliards. Seulement…
Soyons honnêtes, même parmi les licornes du B to C, seules Facebook et Uber ont cette ampleur. A tel point qu’on les appelle tricératops, ce qui n’est pas gentil. De l’autre côté du troupeau, 75 pèsent « seulement » entre 1 et 2 milliards de dollars. Mais elles sont encore jeunes, prometteuses, et il en naît de plus en plus.
Mais alors : comment avoir plus de licornes en France, même petites, et pourquoi Critéo s’est-il fait si vite coter à New-York ? Réponses. Pour avoir des licornes, il faut des grandes et belles idées : nous en avons. Il faut aussi des trentenaires talentueux et volontaires : nous en avons. Surtout, il faut beaucoup de foin et de luzerne, autrement dit beaucoup de capitaux venant de fonds privés : des millions d’euros pour lancer, pour remettre au pot et pour attendre. C’est là la différence entre Paris et Londres. Sur les 40 licornes européennes, près de la moitié sont installées au Royaume-Uni.
Quoi, la licorne a besoin de tant de sous pour naître, gambader et grandir ? Oui, beaucoup de sous pour elle, et surtout pour toutes celles qui ne vont pas réussir, trébucher, ne pas sauter les obstacles, ne pas plaire – et lui frayer le chemin. Bien sûr, on nous parlera de BPI France et de ses « importantes ressources ». Pas assez au vu de ce qui se passe ailleurs ; surtout, les licornes ne naissent pas dans les haras publics. Il leur faut du grand air et des poches profondes. Gentilles, elles rendent ensuite, au centuple.