Nous avons le « choix » entre quatre voies :
- Plongée : c’est moins d’heures travaillées, plus de chômage, de déficit extérieur et de déficit public, en attendant la crise de la dette. Horreur !
- « Stagnation séculaire » : c’est l’expression américaine pour dire : moins d’heures travaillées en restant longtemps au-dessous du sentier antérieur de croissance. Pénible !
- Reprise classique : c’est plus d’heures travaillées pour retrouver la trajectoire d’avant crise, avec l’emploi d’alors. Fermé !
- « Nouvelle normale », c’est le nouvel avenir qui se crée. Peut-on en savoir plus ?
De fait, cette « nouvelle normale » paraît plus attirante, sans savoir ce qu’elle recouvre. Et pendant ce temps, le début d’année inquiète. Les Etats-Unis ont eu peur et se remettent. Leur croissance dépassera 2,2 % cette année, plus l’an prochain. Rien à voir avec les 4 % qui suivaient les anciennes récessions. L’Allemagne est en quasi-stagnation. Le Royaume-Uni va mieux, mais vient de réviser en baisse ses perspectives 2015. La France a eu un bon premier trimestre, grâce à un pétrole moins cher. Le Japon est mieux reparti, avec plus de stocks et moins d’exportations, alors que son yen est très faible. Au fond, seules quelques grandes économies vont un peu mieux, et pour des raisons fragiles.
8 ans que ça dure. C’est long pour purger des excès de dette ! Pourtant, tout a été fait pour en sortir. On a laissé se creuser les déficits budgétaires. Les banques centrales ont acheté des masses de bons du Trésor pour baisser les taux d’intérêt. L’idée n’était pas d’organiser une euthanasie des rentiers, puisque l’inflation n’est toujours pas là, mais plutôt leur écœurement. Ceux qui épargnent le font pour rien ! Comment orienter l’épargne pour financer une demande saine à long terme ? Et comment stimuler l’investissement de long terme, en liaison avec cette demande ?
Facile en théorie : la perte de croissance se guérit par… le retour de la croissance. La solution, c’est la productivité : plus de richesse produite par heure travaillée. Avec cette productivité en hausse, les prix baissent, le marché solvable augmente, plus d’activité et d’emploi sont possibles, et ainsi de suite. Evidences, mais le passage à l’acte est plus difficile que jamais.
Car une maladie frappe la productivité. Pour l’obtenir dans l’industrie, il faut « normalement » plus d’investissement et d’innovation, des usines plus grandes, arrêter ce qui ne va plus ou moins bien, quitte à produire moins cher ailleurs. Bref changer. Mais changer aujourd’hui, c’est détruire beaucoup plus, risquer comme jamais, car l’industrie et ses technologies sont instables. Ainsi, la fameuse imprimante 3D va copier, dans le garage, les pièces nécessaires à une réparation automobile. Il suffit de lui donner les instructions. Mais que deviennent alors les stocks, les chaînes d’approvisionnement, les machines, les usines, les ouvriers ? En plus, ces nouveaux investissements impliquent toujours plus de formation localisée. C’est plus de « mise en mains » que de « mise en place » qu’il s’agit. Cet investissement est particulièrement risqué, car celui qui est formé peut partir… avec !
Pour avoir plus de productivité industrielle aujourd’hui, il faut détruire plus pour former plus, ce qui implique de risquer plus… pour espérer gagner plus.
Cette maladie de la productivité menace désormais les services de distribution : réseaux (vêtements ou meubles, banques ou assurances), entrepôts, services logistiques… Les nouvelles technologies permettent de les éviter en tout ou partie, de les désintermédier. L’Internet donne les prix de tout, aide à choisir, permet de commander et de payer.
Pour avoir plus de productivité servicielle aujourd’hui, il faut plus de proximité pour comprendre et précéder les logiques des besoins. Il faut donc plus de capacité d’écoute et de compréhension, ce qui ne va jamais sans plus de pratique et de formation, avec les logiciels adaptés et les experts en big data. Il faut donc investir et risquer plus pour former les talents et les garder… pour espérer gagner plus.
La plongée, c’est si rien ne change. La reprise classique, c’est un rêve. La « stagnation séculaire », c’est si rien ne change assez. C’est notre risque, puisque l’accalmie des taux est finie. La « nouvelle normale », la vraie reprise, c’est si tout change vraiment.
Pas le choix donc : il faut oser changer et regarder devant.