Pegasus, un cheval ailé compromettant

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 Pegasus, un cheval ailé compromettant

 

« Compromis » : attention ! Si un expert vous dit que votre portable est « compromis », c’est qu’il a été infecté par un logiciel malveillant, un malware. Vous voilà, tout comme le Président Macron, écouté sur votre portable du fait de Pegasus. Vous faites donc partie de l’élite des décideurs, avec 50 000 politiciens, entrepreneurs et « influenceurs », journalistes et hommes de médias infectés, comme par le COVID-19.

« Compromis » : mais par qui ? Par un « allié » ! Ce n’est pas une puissance étrangère – la Russie qui espionne Angela – mais le logiciel d’une entreprise privée israélienne, NSO, créée en 2010. Pegasus est en vente (et amélioré) depuis 2013. NSO explique sur son site qu’elle « crée une technologie qui aide des agences gouvernementales à empêcher et à enquêter sur le terrorisme et le crime, pour sauver des milliers de vies tout autour du globe ». Elle poursuit : « les plus dangereux délinquants communiquent en utilisant la technologie pour protéger leurs communications, alors que les services publics d’investigation et de justice peinent à réunir les preuves de leurs activités ». Pour lutter contre le terrorisme, la pédophilie, la drogue, les réseaux de prostitution, le blanchiment d’argent, les enfants kidnappés ou les survivants enfouis sous des décombres, NSO propose donc de travailler exclusivement pour des entités publiques, afin de réduire l’écart (le gap) entre le public, en retard, et le « privé » criminel, riche.

« Compromis » : c’est le risque de certaines fréquentations. Le 30 juin 2021, NSO publie son… premier Rapport de Transparence et de Responsabilité. Peut-être était-elle au courant de ce qui allait venir le 19 juillet ? Elle y compte 60 « clients » dans 40 pays : 51% sont des agences de renseignements, 38% des entités de justice et 11% sont militaires. NSO vend pour aider ces « structures » à s’informer, mais elle ne collecte pas elle-même les données. Elle a même « déconnecté » 5 clients à la suite d’une enquête qu’elle a menée pour « mauvais usages », perdant 100 millions$. En même temps, 15% des potentialités de Pegasus ont été rejetées pour des raisons liées à la défense des droits de l’homme : 300 millions$ perdus. La morale a un coût !

« Compromis » : et pourtant tout avait été prévu ! « Permettant d’infiltrer des systèmes informatiques, le logiciel Pegasus est considéré comme un produit de cybersécurité offensif et doit donc obtenir le feu vert de l’Agence de contrôle des exportations militaires (DECA), qui dépend du ministère de la Défense israélien, pour être vendu à des pays tiers, au même titre qu’une arme. » écrit IsraelValley le 28 juillet. Pas fou non plus, selon Wikipédia, Pegasus « en vertu d’accords de principe, les clients de Pegasus ne peuvent pas cibler de téléphones aux États-Unis, en Chine, en Russie, en Israël ou en Iran ». Pour ne pas trop se compromettre ?

« Compromis » : Pegasus victime de son hérédité ? Pegasus, fils de Neptune, ne connut pas sa mère, la Gorgone Méduse, puisqu’il naquit de son sang lorsqu’elle fut décapitée ! Une origine… complexe qui explique sa destinée : devenu cheval ailé, il aide à de nombreux exploits, jusqu’à sa chute. Bellérophon le monte, pour accéder à l’Olympe : il en mourra, victime de son orgueil et Zeus fera de Pégase une constellation… qui nous observe.

« Compromis » : Pegasus, l’espion du pauvre ? Espion du pauvre, avec un prix de départ de 25 000 dollars. Mais qu’a-t-on pour si peu ? Du pauvre technologique plutôt, avec ses clients présumés : Arabie saoudite, AzerbaïdjanBahreïn, Émirats arabes unis, Espagne, Hongrie, Inde, Kazakhstan, Maroc, Mexique (61 millions$, dit-on), Panama, Rwanda ou Togo.

« Compromis » : Pegasus, l’espion privé global qui voulait être moral ? Ces « découvertes » arrivent au moment précis où des médias mondiaux et des Organisations Non Gouvernementales montrent le risque, pour les libertés, venant de pays plus ou moins démocratiques, avec des sociétés privées qui disent suivre les règles ! Pourtant, en 2013, on sait que les Émirats arabes unis l’achètent et en 2016 le Citizen Lab de l’université de Toronto le découvre dans le portable d’un opposant émirati exilé au Canada. Donc…

« Compromis » : lesquels entre libertés publiques et profits privés ? Les investisseurs veulent être verts et socialement responsables, et voilà ce qui se passe quand on croit avoir défendu la liberté contre le crime et la santé, sous la houlette des États ! Pegasus nous fait revenir sur terre.