Pauvres espions : un expert de la NSA nous parle

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Au moment où Patrick Macnee, le John Steed de « Chapeau melon et bottes de cuir » nous quitte, on peut croire le métier d’espion devenu impossible. Nos assistants techniques nous trahissent, ce que nous trouvons fait rire, ce que nous ratons atterre. Mais… ce n’est pas si sûr.

 Pauvres espions : un expert de la NSA nous parle

Illustration : lylejk

 

Nos assistants techniques nous trahissent : vrai. Notre métier (surtout au cinéma), c’est de nous battre à mains nues, courir vite, séduire et boire beaucoup, conduire rapidement et tirer plus vite que notre ombre. On comprendra que nous ne pouvons maîtriser, en sus, l’informatique. Le parapluie de John Steed oui, l’Aston Martin de James Bond d’accord, Steve Jobs non ! C’est pourquoi nous avons besoin d’experts dans ces nouvelles technologies, comme en finance et en droit. Et nous payons bien.

Qui plus est, ils nous trompent. Ils copient puis diffusent ce que nous trouvons, plus exactement ce qu’ils trouvent. Et l’envoient au monde entier, par l’intermédiaire de ces maudits réseaux sociaux. Nos ennemis sont au courant, mais plus encore nos amis et alliés dont nous extrayons l’essentiel de nos informations. (Pour les ennemis, c’est plus difficile, car plus risqué à obtenir). Décidément, ces maudits consultants ne partagent pas nos valeurs. Ils nous trahissent, leur pays avec, et maintenant les voilà victimes ! L’un est coincé à l’ambassade d’Équateur, autrement dit nourri logé blanchi en plein Londres. L’autre est à Moscou, j’admets que ce soit plus rude, mais quand même. Et ils nous promettent d’autres révélations. Quoi encore ?

Ce que nous trouvons fait rire : pire ! Après avoir investi des trésors d’imagination et de technique, engagé des dépenses importantes sans compter les risques, ce que nous trouvons fait plouf. Désormais, on sait que le Président Hollande est inquiet au sujet de la Grèce, mais moins qu’Angela qui en est « obnubilée ». On découvre que des réunions secrètes ont eu lieu sur une sortie de ce pays de la zone euro. On est sûr que François s’énerve de l’obstination budgétaire d’Angela Merkel. Maintenant, grâce à nous, on sait qu’Angela est symétriquement énervée du sens tout relatif de la décision de François et passe son temps à calmer Schäuble. Certes, on peut toujours dire que quiconque a lu un journal ou écouté une radio le savait, mais notre source est… directe. Du portable. Et voilà que cet apport n’est pas valorisé, mais critiqué ou moqué !

Ce que nous ratons atterre : dramatique, mais pas faux. Oui, nous avons financé Ben Laden, sans qu’il s’en montre reconnaissant. Oui, nous avons pisté ses apprentis pilotes installés aux Etats-Unis en nous demandant ce qu’ils pouvaient bien y faire. Nos messages n’ont pas été retenus ou placés dans la pile sous d’autres découvertes : échanges entre Angela et François ou encore vie privée de François. Mais je voudrais les voir, ces « experts» qui nous jugent, face à nos difficultés. Il ne s’agit pas de moyens – nous les avons, de locaux, nous sommes logés en ambassade – et même sous son toit à Paris, c’est central. Le difficile, c’est de comprendre ce que nous voulons empêcher. Empêcher les communistes russes de gagner le monde ? C’est fait. Poutine est empêtré avec la Crimée, l’Ukraine plus sa propre crise. Protéger l’Amérique latine du péril rouge ? C’est fait. Le Venezuela sombre, Cuba nous attend et le Brésil montre que la corruption est aussi à gauche. Empêcher la Chine de gagner le match de la richesse contre nous ? C’est volontairement raté : la Chine communiste aura bientôt plus de milliardaires que nous. Quel exemple pour les prolétaires de tous les pays ! En plus, ils s’épuisent à se battre contre les Japonais (que nous avons surendettés) pour contrôler la région ! Lutter contre le réchauffement climatique et pour la biodiversité ? C’est fait. Nous avons demandé aux Français de s’en occuper.

Affaiblir l’Europe… bien sûr. Voilà pourquoi nous suivons les portables des leaders, des fois qu’il leur prendrait l’idée de se rapprocher vraiment, par exemple avec cette histoire de Budget commun pour la zone euro… Retourner Varoufakis ? Qui vous dit que ce n’est pas fait ? Vous avez vu son idée de hold up des banques à partir des références d’impôt du ministère des finances ! Enrôler Tsipras ? Pareil. Vous avez vu son coup du référendum, puis son acceptation vexée de ces 85 milliards – qui énervent la moitié de la zone euro, en attendant qu’il demande l’effacement partiel de la dette !

Mais j’en ai trop dit. Si moi aussi je leake, où allons-nous ?