Pas trop d’inflation/pas trop de croissance : le bon mélange pour la zone euro

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Quel mélange pour repartir quand les Etats sont encore très endettés et que la Banque centrale ne peut pas acheter de bons du trésor, quand cette Banque centrale est en charge de la stabilité des prix et aussi de renforcer les banques, quand le chômage est partout élevé et durable ? Rien de facile, rien de rapide, rien - surtout - de direct.

Pas trop d’inflation, on se doute bien qu’un taux de chômage à 12 % en moyenne pour la zone euro ne pousse pas à l’augmentation des salaires et des prix, sachant en outre que l’euro est fort et permet de résister à de l’inflation importée, par exemple liée aux produits énergétiques.

Pas trop de croissance non plus, avec une économie qui se relève à peine de récession, avec un premier trimestre positif en fin d’année 2013 (0,5 %) après cinq trimestres négatifs. Le pire a ainsi été frôlé, avec la Grèce, l’Irlande puis le Portugal, avec les interrogations que l’on a eues sur l’Espagne et l’Italie. Les interventions de la Banque centrale européenne, plus du domaine des mots que des faits (le fameux « whatever it takes » de Mario Draghi le 26 juillet 2012) ont suffi à stopper la spéculation contre ces deux pays et à faire remonter l’euro. Bien sûr, tout reste à consolider ensuite, mais au moins les deux pays ne vont pas à la ruine. Aujourd’hui, 18 mois plus tard, leurs taux de financement de la dette publique ont baissé de plus de moitié et ils sortent peu à peu d’une crise qui aurait pu les anéantir.

« Pas trop de croissance » et « pas trop d’inflation », c’est en réalité la remontée des profits par la modération salariale et par l’investissement d’innovation. C’est donc la meilleure solution pour résorber les effets d’une crise de surendettement dont on ne sort pas aisément.

Il ne s’agit pas de rêver sortir de cette crise de surendettement par l’inflation, solution impossible compte tenu du taux de chômage bien sûr et de la politique de la Banque centrale européenne.

Il ne s’agit pas non plus de craindre la déflation, puisque les anticipations de prix restent ancrées vers 2 % (les prévisionnistes professionnels parlent ainsi de 1,9 % pour 2019).

La voie est donc étroite, d’autant plus que la Banque centrale européenne entend renforcer la qualité des banques, en leur demandant plus de fonds propres, plus de liquidités et de résister à des stress qu’elle va leur concocter. Contradictoire peut-être, mais pas le choix si on veut une union bancaire solide et acceptée par tous, notamment l’Allemagne. Pas le choix non plus si on veut demander aux banques de tous les pays d’alimenter un fonds de soutien commun à l’ensemble de la zone euro, avec l’idée que les états combleraient ensuite les manques en cas de crise majeure.

Au fond, ce « pas trop d’inflation/pas trop de croissance » est le meilleur dosage pour la revalorisation des actifs de la zone euro, et la bourse ne s’y est pas trompée. Les Etats-Unis ont mis toute leur politique économique, essentiellement monétaire, dans une stratégie de « la reprise par la bourse » en baissant les taux courts, les taux longs (l’achat de titres publics, ce que la BCE ne peut pas faire), le dollar, le prix de l’énergie et les salaires. La  zone euro n’a pu que s’ajuster par les salaires et la réduction de la dépense publique, la fameuse « austérité ». C’est évidemment bien plus risqué. Et si cela commençait à être compris ?

La France doit comprendre cet ensemble de choix et sortir de ce jeu franco-français qu’elle adore, celui des « contreparties » entre syndicats et patronats. Elle ne peut se laisser porter par la vague européenne, si timide, sans faire elle-même d’efforts. Les marchés financiers sont peut-être excessifs, mais pas idiots.