Dans les 12 QG des candidats à la Présidentielle, 12 réunions (secrètes) de crise se tiennent le 1er avril et presque en même temps, où se dit la même chose.
Tous : Zut, on a oublié l’essentiel dans les programmes !
Un : Mais ce n’est pas possible. Voilà des mois qu’on est dessus. Chacun, on les a publiés et on a été critiqués par tous les autres ! C’est quoi, cet « oubli » ?
Une : Un objectif, un seul, à mettre en avant : « Gagner en France par l’union dans l’entreprise et par l’Europe ».
Presque tous : Explique !
La même : « Gagner », car nous sommes tous en guerre, depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie et nous n’en parlons pas vraiment, après l’autre guerre, pas finie, contre la pandémie. Elle a montré nos faiblesses quand nous faisons du chacun pour soi, pays par pays. Puis, voilà des années que la Russie grignote ses anciens territoires et, en même temps, se rend indispensable ici par son gaz, son pétrole, ses terres rares et son blé, tandis que la Chine nous entoure de ses « chaînes de valeur » et de ses routes dites « de la soie ». Et on ne dit rien, parce que c’est moins cher !
Presque tous : « Gagner » ? Mais on va alors nous dire qu’on n’a rien vu, tout laissé faire ou que l’on s’est fait avoir par les Russes et les Chinois. Et maintenant, parler de guerre, même à mots couverts, c’est augmenter l’abstention. Gagner, c’est « gagner plus de sous », pour gagner des voix !
Un autre : Et après, pourquoi : « en France par l’union dans l’entreprise » ?
Encore un autre : Parce qu’on ne parle ici que d’inégalités, que de fractures sociales et locales, que de dérèglements climatiques, que d’écarts qui se creusent, par sexe, lieux et milieux de naissance, et que de façons de les réduire, par l’impôt à gauche et par le travail et la formation à droite, alors que notre déficit extérieur est énorme et le budgétaire abyssal. C’est se battre sur le mauvais terrain. Sans Union dans l’entreprise, pour travailler mieux et plus longtemps, dans ce monde plus hostile dont nous sommes plus dépendants, nous perdons.
Quelques-uns : « Perdons » : encore la guerre ! Et « union dans l’entreprise » : encore cette vieille idée ?
Un autre se lève : Mais si l’entreprise ne parvient pas à unir tous ceux qui y travaillent pour avancer, innover, tant en relations humaines, en technologie qu’en écologie, qui le fera ? Il s’agit de gagner des marchés, d’avoir plus de croissance et d’emploi, d’égalité femme homme, des salaires en hausse, de la formation et des carrières : comment faire, sans entreprises plus fortes ?
Presque tous : Il n’a pas tort. Et on n’en parle pas ?
Le même, debout : Pas vraiment : trop patronal. La CGT, les syndicats d’enseignants et celui de la Magistrature sont contre. Alors, on met l’accent sur les propositions de chacun, pour se différencier au maximum et creuser l’écart, à droite ou à gauche. Ensuite on élaguera, quand le premier tour s’approchera, pour être face à Macron. Alors, « la » ou « le » deuxième des sondages continuera à se dépouiller d’arguments pour arriver au duel si attendu, avec un seul slogan : « cinq ans, ça suffit ! ».
Presque tous : De fait c’est assez ressemblant, mais pourquoi finir avec ce « gagner… par l’Europe » quand on voit ce qui s’y passe, avec tous ses débats pour dépenser et agir moins ?
Une autre se lève : Oui, c’est crispant. Il a fallu une pandémie, pour soutenir les pays les plus fragiles et la guerre, pour que l’Allemagne dépense plus, et elle ne veut pas entendre parler d’un autre programme d’investissement européen à moyen terme. Mais on n’a pas le choix : c’est avec une France plus forte et plus autonome que les autres suivront.
Beaucoup : C’est un programme invendable !
La même : Difficile, car exigeant. L’Union européenne se dit « unie dans la diversité », mais elle l’est plus contre les illibéraux hongrois ou polonais, que contre Poutine. Cette Union se protège derrière l’Otan en cas de guerre et derrière ses juges en cas d’attaque de ses normes et règles, avec des amendes !
Presque tous : C’est de l’humour ?
La même : Du rapport de force. Nous devons sortir de ce « jamais plus la guerre » après la Première puis la Seconde guerre mondiale, de notre pacifisme de fait : bombe atomique à l’extrême, pas de vraie armée entre, donc rien ! Alors : d’accord pour « Gagner en France par l’union dans l’entreprise et par l’Europe » ?
Presque tous : Mais pourquoi sommes-nous 12, « désunis dans l’adversité » ?
Tous : Trop tard : les programmes sont imprimés !