Notre-Dame

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 Notre-Dame

L’âme d’un peuple ne meurt pas.

Lundi 15 avril vers 18 heures 50, un incendie se déclare dans la forêt de chênes séculaires qui forme la charpente de ce chef-d’œuvre de 860 ans. Le feu se propage rapidement, la flèche tombe. A l’intérieur, des tableaux brûlent et des vitraux, dont la rosace, souffrent. Ce trésor de pierre, bois, verre, plomb, zinc, toiles, construit au cours des siècles par des milliers de mains et de talents, est attaqué par les flammes. Il sera sauvé par les pompiers, et devra être rebâti par tous. L’heure est aux recherches sur les causes, aux analyses et aux expertises. Elle est surtout au recueillement et à la reconstruction.

 

Notre-Dame de Paris est un symbole.

Preuve de foi pour certains. Pour ceux qui se lançaient au tout début dans une construction dont ils ne verraient pas le résultat. Pour ceux qui vont ensuite constamment l’embellir, la réparer, l’entretenir… pour qu’elle demeure. Lieu de prières et de regroupement pour les grands moments de notre histoire, du Magnificat de la Libération de Paris le 26 août 1944, quand crépitent encore des coups de feu, à la cérémonie multiconfessionnelle en hommage aux moines de Tibhirine, Notre Dame marque ce qu’un peuple peut faire de mieux, quand il se réunit. Monument le plus visité de France, par des milliers d’étrangers qui peuvent ainsi mieux nous comprendre, elle est une preuve de ce que nous sommes, et un geste pour traverser le temps.

 

Aujourd’hui nous nous réunissons. Demain allons-nous nous diviser, comme toujours ?

Mais, désunis, nous n’aurions jamais pu construire cette œuvre mondiale. Allons-nous comprendre le message qu’elle nous envoie aujourd’hui, pour se rebâtir en la rebâtissant ? Bien sûr, il y a en France des riches et des pauvres, des talentueux et d’autres qui le sont moins, certains qui sont dans les bon réseaux et d’autres pas, il y a donc des sources multiples d’envies et de tensions, si on ne sait pas bien former, informer ou réguler la compétition. Certains taillent mieux la pierre que d’autres, peignent mieux, dessinent mieux, certains sont plus forts, d’autres (et pourquoi pas les mêmes ?) sont plus imaginatifs.

Hasard diront certains, signe diront d’autres, le message du Président Macron à la suite du Grand débat et des manifestations des « gilets jaunes », n’a pu être diffusé, à cause de ce désastre.

Il devra être revu, pas forcément dans le fond, en tout cas dans la formulation du message, au vu de ce sinistre et du sursaut qui le suit. C’est bien la cohésion, derrière un objectif commun, qui fait et fera le succès, succès de l’économie française contre le chômage et la misère, de l’Europe dans un monde plus tendu, de tous contre le réchauffement planétaire.

 

La question aujourd’hui est donc celle de la cohésion pour rebâtir.

On comprend la difficulté, puisque les problèmes ne cessent de s’ajouter et de croître : emploi, formation, qualité de la vie, santé, famille… Mais on s’éloigne de la solution en demandant de plus en plus « aux autres » de les financer, croyant les résoudre : « aux riches » d’aujourd’hui par l’impôt, à ceux de demain par la dette à acquitter. Plus le temps passe, plus la société se divise et prend un malin (ou démoniaque) plaisir à le faire : riches contre pauvres, campagnards contre citadins, en emploi contre chômeurs, pollueurs contre payeurs, carnivores contre vegans… ? Divisés, aucune flèche ne s’élancera plus dans le ciel.

Aurons-nous le courage, l’intelligence et, surtout, l’élévation pour participer à une œuvre qui nous dépasse : rebâtir la France, pour qu’elle soit plus solide et plus belle, en Europe et dans le monde ?

A l’évidence, on aura besoin de tous les corps de métier : architectes et informaticiens, artistes peintres et verrier, ouvriers et sculpteurs, politiques, chanteurs et prédicateurs, sans oublier patrons, banquiers et donateurs, jeunes et vieux, de tous lieux et religions ! Mais pas les uns contre les autres.

Notre-Dame naît en 1163. Il faudra deux siècles pour la finir, une première fois… Rien ne s’arrête jamais, pour les peuples qui veulent vivre.