Le trou du déficit public français se creuse quand on le remplit par l’impôt. Aujourd'hui, quand 1 euro est prélevé en impôt, 1 euro au moins est perdu pour la croissance. La ligne jaune est franchie, ici comme chez nos voisins. Et ceci peut empirer : pour un euro d'impôt en sus, nous pouvons perdre plus d'un euro de croissance. Le FMI, qui n’arrête pas de s’excuser de ses erreurs dans ce domaine, va jusqu’à 1,7. D’autres économistes parlent de 3 !
Pour repartir, il faut l’inverse de ce que nous faisons. Les Français sont devenus allergiques à l’impôt : ils ont économiquement raison. Il ne s’agit pas de « riches » qui ne veulent pas payer ou d’entreprises qui ne sont pas « citoyennes ». Il s’agit d’un raisonnement. Il vient d’entreprises et de ménages qui pensent que le remède fiscal tue le malade.
Fitch l’a vu : la France est surendettée ! Elle est en déficit budgétaire depuis trois décennies. Sa dette publique égale son PIB, plus 1,5 PIB de dette hors bilan. À ce niveau, la croissance est en danger. Elle fait baisser l’investissement en infrastructures et en recherche. Les Français voient ces projets freinés ou ajournés, tant les dépenses courantes prennent de place. Ils voient la recherche publique prendre du retard par rapport aux autres pays. Ils ne nous attendront pas.
Augmenter les impôts, comme on l’annonce pour 2014 sans s’engager sur un arrêt, menace le futur. Notre potentiel de croissance se réduit autour de 1%, soit 20 milliards de richesses supplémentaires par an. L’Etat va en capturer plus de dix, mais ils auront vite disparu si on ne réduit pas le poids de la fonction publique, d’autant que les taux d’intérêt montent partout.
Alors en France, en attendant d’être portés par toutes ces « améliorations économiques qui nous entourent », on augmente les impôts. Et on s’inquiète que les rentrées fiscales baissent ! Les Français qui restent en France ont bien compris ce qui se passe. Ils attendent des mesures de réduction visible de la dépense publique, pour agir et repartir. Entretemps ils investissent moins et se demandent par quel miracle ils pourraient bénéficier de cette reprise mondiale quand ils ont moins de profits, plus de normes et de freins légaux et sociaux, moins d’innovation et des prélèvements publics qui vont monter, encore et encore. C’est pour réduire les inégalités leur dit-on ! Mais on croyait que la pire inégalité, c’était entre celui qui a un job et celui qui n’en a pas répondent-ils. Silence à Bercy, silence à Matignon, silence à l’Elysée.
Baisser la dépense publique devient une obligation, si on veut repartir. Il faut économiser 20 milliards, au plus vite. Pour cela, il faut compter mieux et voir ce que donne ce qui est dépensé. Il faut plus de transparence pour avoir plus d’efficacité. Il ne s’agit pas de fermer des écoles ou des hôpitaux, mais de mieux gérer, en modernisant.
Il y a quelque temps, on aurait traité ces propos d’irresponsables. Techniquement, même sans parler politique, on aurait immédiatement dit que cette baisse de la dépense publique allait peser sur l’activité. Le multiplicateur (keynésien) de la dépense publique était censé dépasser celui du prélèvement fiscal. L’Etat rapportait plus qu’il ne coûtait. Ce n’est plus vrai. Avec la crise et le niveau de dette où nous sommes, l’impôt coûte plus en croissance que ne rapporte la dépense publique.
Les Français sont devenus Ricardiens et ne sont plus Keynésiens. Ils sont méconnaissables. Ils s’inquiètent de la dette à rembourser et ne croient plus que la solution passera par une croissance stimulée par la dépense publique. Inutile de parler de Thatcher ou de Reagan : il suffit de voir plus loin. Baisser la dépense publique est la seule garantie pour limiter l’impôt et renverser les anticipations.
La France vit une révolution intellectuelle. Elle se rend compte qu’elle est une économie industrielle qui doit lutter contre la concurrence internationale et adopter les nouvelles technologies. L’ordinateur crée plus d’emplois qu’il n’en tue dans le privé. Il doit être utilisé dans l’école, l’hôpital, l’administration. Nous sommes en économie de l’offre, comme toutes les économies ouvertes, et en révolution de la communication depuis plus de trente ans. Dans ce contexte, la « défense des intérêts acquis » découvre une réalité : la croissance, elle, n’est jamais acquise. Elle se construit et se consolide chaque jour, dans la durée.
Nous mangeons déjà les fruits de la petite et fragile stabilisation qui s’annonce. Les politiques doivent avoir le courage de dire aux Français ce que les Français attendent qu’on leur dise. Et qu’ils savent ! La reprise viendra d’un effort collectif, pour soutenir les entreprises, innover et former d’un côté, pour avoir une puissance publique plus efficace d’un autre. Ce ne sont pas les réformes justes, transparentes et correctement expliquées qui créent l’austérité. C’est au contraire l’absence de réformes qui l’installe.