La Newsletter : Françaises, Français : choisissez votre économiste préféré !

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Par ces temps de crise, nous cherchons la sortie, l’idée, la référence, la solution… le gourou, le salut, l’économiste qui nous aidera et nous montrera enfin la voie. En voici quelques-uns, pour choisir.

Marx fait moins recette. L’opposition de classes entre exploiteurs et exploités place les Français, qui ont parmi les plus hauts revenus du monde, dans une position inconfortable pour se plaindre. En plus, le travail manuel productif des prolétaires se trouve de moins en moins répandu ici, avec beaucoup d’ouvriers qui pressent des boutons, de conducteurs de train qui manient des manettes, de paysans qui pilotent des tracteurs. Les prolétaires français ne sont plus ce qu’ils étaient.

Ricardo 1 a plutôt raison. L’échange international est globalement favorable dans la mesure où il permet au mieux de mobiliser les capacités de tous. Mais il faut accepter que celui qui a plus de terre et d’eau fasse plutôt de l’agriculture, celui qui a plus de minerais plutôt du fer, plus de mer d’avantage de pêche… et donc que chacun se spécialise dans le domaine où il est le meilleur, le mieux doté, et abandonne les autres… sachant que tout change. La répartition des tâches est alors la plus efficace, mais pas immuable. Pour que tout aille mieux, il faut que chacun s’adapte en permanence en fonction de ce qu’il fait relativement le mieux.

Ricardo 2 a malheureusement raison. Les déficits de l’Etat devront être payés un jour. Par le défaut de paiement, et il faut donc partir ou mettre son argent ailleurs qu’en bons de ce trésor-là. Par l’inflation, et il faut épargner dans des monnaies plus solides ou dans des actifs plus résistants que ces monnaies et ces actifs-là. Mais le plus vraisemblable est que l’impôt fera son travail, donc il faut s’y préparer et épargner plus. Epargner plus pour payer plus. Alors, les fameuses politiques budgétaires qui devaient soutenir l’activité se trouvent avoir un effet réduit, voire très réduit… car ceux qui doivent en payer les frais se préparent et dépensent moins. Ceci ne veut pas dire que l’Etat ne doit rien faire, mais qu’il doit faire de mieux en mieux.

Schumpeter a raison, même s’il nous embête. Les innovations mènent le monde. Elles viennent de partout, des nouvelles techniques, idées, organisations, de tout ce qui permet de faire radicalement mieux, ou autre chose. Donc il faut se préparer à changer, et mieux encore à chercher, pour être parmi ceux qui défrichent, adaptent, explorent. Et ceux qui sont en retard, qui ne veulent pas ou ne savent pas changer auront un sort peu enviable.

Walras n’a pas tort. Si l’on est bien informé et mobile, si le prix est le seul aspect de la concurrence, alors cette concurrence amène à produire le plus, au meilleur prix et sans chômage. Mais il faut accepter de bouger et d’être transparent. Walras, qui se disait libéral, est alors obligé de s’expatrier en Suisse.

Keynes est un malin. Toute sa théorie pour faire repartir la machine repose sur une duperie et une tuerie. La duperie, c’est que l’inflation ne modifie pas le comportement du salarié. Victime de «  l’illusion nominale », il ne se rend pas compte que les prix montent, que son revenu réel baisse, au bénéfice des … bénéfices du patron qui peut ainsi repartir et réinvestir. Et la tuerie, plus exactement « l’euthanasie des rentiers », fait que cette même inflation réduit graduellement le revenu des rentiers qui reçoivent la même rente nominale, non indexée sur les prix. Donc les profits repartent dans le privé et l’Etat doit moins… C’est ce que l’on veut, ce qui ne règle rien ?

Colbert est notre préféré. Il veut un fort développement de l’activité privée et réduire l’attrait français pour les rentes. Mais comme il trouve que l’esprit d’entreprise n’est pas suffisant, il subventionne des manufactures et crée des monopoles. Et quand la croissance revient, c’est pour payer l’impôt, autrement dit les dépenses du Roi et ses guerres, pour la plus grande gloire du Pays. On a dû oublier.

Turgot n’est pas du tout le préféré des Français. Et pourtant, il a fait avancer la théorie économique et a pris des décisions très courageuses. Mais il a voulu réduire les privilèges et soumettre tous les ordres à la taxation. Dans un monde d’avantages (on dit aujourd’hui « avantages acquis ») et de protections, il ne peut résister. Attention : libéral.

Akerlof nous dit de voir plus loin que le prix : la qualité. Car on ne sait pas vraiment ce qui se cache dans la voiture de deuxième main qu’on achète et le prix ne peut pas suffire à nous aider. Il nous faut des appuis pour mieux savoir, connaître, et vérifier. Et le faire savoir ensuite : pas de confiance sans « tiers de confiance ».

Hirschman écrit un livre contre le « déclin des entreprises, des organisations et des états » en nous proposant soit de ne rien voir ou de ne rien dire (Loyalty, alors on n’a pas à se plaindre), soit de partir (Exit, et c’est ce qui se passe mais n’aide pas ceux qui restent), soit de s’exprimer à voix haute (Voice).  Et si on s’éveillait et criait, pour lutter contre cette crise, notre crise ?

Axelrod nous propose de nous faire confiance, d’échanger, de coopérer. Bien sûr, il ne s’agit pas d’être naïf mais de dire et de se dire qu’on est ouverts au dialogue, entre nous, qu’on attend ce que va faire l’autre vers nous, pour répondre positivement. Et ainsi de suite. Comme les Français sont les plus méfiants des peuples du monde, il devraient regarder…