Chaque année, des mots nouveaux entrent dans les dictionnaires. Ils reflètent les changements que nous vivons. D’autres nous reviennent, marquant notre peine à comprendre ces « nouvelletés », plus un, pour les cas désespérés.
Mots nouveaux
Bader : éprouver une certaine inquiétude. Pourrait venir, depuis le sud, de « badaud ». C’est celui qui regarde bouche bée ce qui se passe, qui flâne, avec ou sans « métavers » (voir plus loin) sur les yeux.
Chiller : vient de l’anglais, en passant par le Québec : « to take a chill pill », prendre une pilule glacée pour se détendre. Prononcer : « chiler » et ne pas confondre avec l’anglais « refroidisseur » : il s’agit ici d’esprit, non de corps.
Complotsphère : addition de sphère et de complot, pour décrire un groupe où chacun échange des informations secrètes et plus encore originales sur Internet, en passant par des réseaux sociaux, plus obscurs que spécialisés. Il en résulte, pour les auteurs et lecteurs des textes qui y circulent, la vision d’un monde régi par quelques individus et groupes, en fonction de leurs objectifs propres, au dépend d’un peuple qui croit ce qu’on lui dit. Tout ce qu’on lit ou entend partout est donc faux ou orienté : seuls savent les membres de la complotsphère.
Crush : mot repris de l’anglais qui signifie écrasement, mais c’est pour décrire chez les jeunes une attraction, un engouement, un béguin qui peut être plus ou moins durable, sans être nécessairement dangereux. C’est dans ce cas que l’on peut ghoster (voir plus loin) un crush, pour rapidement passer à un autre.
Ecoanxiété : sentiment qui naît de la lecture des prévisions d’experts en réchauffement climatique, ou bien de celle des attendus du tribunal administratif qui condamne le gouvernement français pour insuffisamment agir.
Flexoffice : mot repris de l’anglais pour parler d’un bureau : office, qui s’adapterait au travail de chez soi et en deviendrait plus « flexible ». Syn. : réduction des surfaces.
Ghoster : de l’anglais ghost, fantôme. Il s’agit de rompre soudainement toute relation avec quelqu’un ou quelqu’une avec qui on a pu avoir un crush. Syn. : couper, rompre.
Greenwashing : mot anglais pour exprimer un lavage critiquable : washing, en vert : green. Les publicités qui prétendent vanter des comportements dits « écologiques » agissent ainsi hors des instances qui seraient seules à même d’en juger : les tribunaux composés d’écologistes.
Mégabassines : vient du grec méga, grand, et du très vieux français : bassine. Elles sont destinées à lutter contre les sécheresses agricoles, à moins que d’ardents écologistes ne les aient auparavant détruites, pour aider la nature.
Métavers : de l’anglais « meta-universe » ou du grec-latin « au-delà de l’univers ». Il s’agit d’un masque, qui se met sur les yeux pour accéder à des espaces virtuels, pour jouer et rêver dans un autre monde, plus agréable ou bien moins, selon les choix qu’en fera le porteur masqué. Ce métavers pourrait également permettre des rencontres familiales, des réunions de travail, la participation à des colloques ou à des manifestations culturelles, le tout sans se déplacer. Écologique ou isolationniste ?
Nasser : encercler, se dit pour prendre dans une nasse des écologistes ardents qui voudraient détruire des mégabassines (voir plus haut).
Mots en vogue
Uchronie : dans la vague d’illibéralisme, l’histoire peut rappeler de cruels souvenirs, sinon annoncer des vérités. Pour les éviter, mieux vaudrait écrire un « non-temps », du grec, où tout ce qui s’est passé serait oublié, puisque n’aurait pas eu lieu. Voir : poltronnerie.
Dystopie : pire que l’uchronie, il s’agit d’une réécriture du passé qui donne raison aux puissants du moment. La dys-topie, du grec : mauvais-lieu, décrit ainsi une histoire d’où les citoyens ne pourraient s’échapper des mains de leurs dirigeants. On se demande, quand on voit aujourd’hui ce qui se passe en Russie, en Chine, en Turquie ou encore en Iran, pourquoi il faudrait imaginer quelque chose d’autre que ce qui est.
Mot sans espoir
Hétérotélie : encore du grec, mais cette fois pour qualifier une action qui va dans la mauvaise direction. Mot pédant, trop recherché, inutile dira-t-on, sauf s’il décrit nombre de décisions de dirigeants, privés et surtout publics. Le politique ratera alors sa cible, ou la ratera mais en atteindra une autre, qu’il ne voulait pas. Le plus souvent, il finira par atteindre sa cible, mais ne pourra en éviter d’autres, qui sortent leurs casseroles.