MMT : l’acronyme fait fureur, ou horreur, dans les Universités, les marchés financiers et les cercles politiques américains d’abord, puis partout, donc ici.
De quoi s’agit-il ? Au début, d’une conférence d’Olivier Blanchard, l’ancien chef économiste du FMI. Il dit, et calcule, que si un pays s’endette dans sa monnaie et si le taux d’intérêt est inférieur à la croissance nominale, alors le poids de la dette dans le PIB ne pourra que décroître. Mathématiquement imparable, si les fonds empruntés permettent d’accroître le PIB au-delà de leur coût, autrement dit ne sont ni gaspillés ni mal investis (ce qui peut arriver !) et si les nationaux (plus leurs alliés) veulent toujours acheter des bons de leur Trésor (ce qui peut cesser !).
Les universitaires américains se déchirent.
Kenneth Rogoff (Harvard) dit que c’est un nonsense car tout dépend de la dominance du dollar, pas éternelle, et de taux d’intérêt et d’inflation très bas, ce qui n’est pas acquis. Pour lui, l’indépendance de la banque centrale et le dollar sont en jeu : mieux vaut donc s’endetter à plus long terme, que plus. James Galbraith (Austin, Texas) lui rétorque que si les taux sont si bas, c’est bien la preuve qu’il n’y a pas de panique sur le budget ! Et ce MMT, c’est du pur keynésianisme ! C’est permettre de garantir l’emploi, donc des revenus pour consommer, ce qui donne des ressources à l’état, par l’impôt. Bien sûr, notre économiste note qu’un « grand pays qui emprunte dans sa monnaie ne peut faire faillite » et ajoute : « c’est pourquoi les États-Unis ne sont pas la Grèce et ne peuvent devenir le Venezuela ou le Zimbabwe » ! Ouf !
Les politiques suivent.
Certes, à droite, ils demandent quand même de surveiller cette dette qu’il faudra rembourser un jour. A gauche, ils répondent que les états doivent seulement modérer sa progression, pour rembourser ce qui arrive à échéance bien sûr et en profiter ainsi pour s’endetter plus, pour croître plus. Et ceci d’autant plus qu’actuellement la dette publique monte, et les taux d’intérêt baissent ! C’est la preuve de l’inquiétude géopolitique qui règne, dit Mario Draghi. Mais non, c’est la preuve que les marchés sont plus inquiets du risque de déflation que d’inflation, disent les traders. Non : pire, selon d’autres, c’est la preuve que la « neutralité ricardienne » ne marche plus. Finie cette vieille idée que le déficit d’aujourd’hui fait aussi monter l’épargne, pour payer l’impôt de demain, quand il faudra rembourser. Donc on y va ! Pour la majorité des politiques, quelle que soit la raison de « l’anomalie », il faut en profiter. C’est le moment pour réformer moins vite, avec moins de risques sociaux, et « en même temps » pour augmenter les salaires, sans trop réduire le nombre de fonctionnaires. France ?
Surtout, c’est le moment d’un Green New deal, aux Etats-Unis et ici !
Pourquoi de « l’austérité », quand s’endetter à 10 ans coûte 0% en France, avec une inflation à 1,2% ? Dans une société qui vieillit, il faut investir dans le système de soin. Dans une société qui veut se décarbonner pour s’hydrogénéiser dans 20 ans, il faut investir dans les nouvelles usines et les nouveaux réseaux, en se préparant à mettre le nucléaire en sommeil.
La MMT est une étrange alchimie : la dette nouvelle dissoudrait donc la dette passée ?
D’où vient cette théorie et que prépare-t-elle, si on ralentit les réformes et les investissements porteurs de productivité, si les taux bas font monter les prix des logements et des actions, si les épargnants en obligations se désespèrent et si les banques s’affaiblissent ? Viennent des « populismes » ou des « socialismes ». Ils veulent s’émanciper des « contraintes budgétaires », notamment en zone euro, et distribuer du pouvoir d’achat réel, maintenant que les salariés pensent que leur rémunération augmente trop peu, puisque l’inflation est très faible.
Faut-il jeter les livres d’économie dans l’athanor des alchimistes, ce four où ils cherchaient à faire de l’or, et le bon sens avec ?
C’est oublier les crises des dettes en Amérique latine, Grèce et Turquie aujourd’hui. Un système craque rarement en son centre, plutôt dans ses points faibles : « les États-Unis ne sont pas la Grèce » ! Alors vient la déflation, qui empêche de s’endetter plus, puisque les revenus chutent. Puis vient l’inflation pour tout résoudre, ou mieux : l’hyperinflation ! Derrière la MMT américaine se cache le dollar, qui risque moins que les autres.