Michel Barnier chez un psychologue

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 Michel Barnier chez un psychologue

Le psychologue : Bonjour Monsieur le Premier ministre, c’est un honneur de vous recevoir ici. Comment puis-je vous être utile ?

Michel Barnier : Bonjour docteur, c’est un ami politique que vous traitez qui m’a conseillé de venir vous voir. Il m’a dit que vous faites des miracles et que vous l’avez sauvé. Vous savez ce qui m’arrive ?

L p : Miracle, nous verrons ! Ce qui vous arrive : un choc ! Quitter une retraite en Sologne, qui me paraît bien méritée, pour arriver en plein milieu du Parlement avec tous ces problèmes, et tous ces cris !

MB : Ma foi, ce sont surtout les cris qui me font venir ici, alors qu’il y a tant à faire pour sauver la France. Ce ne sont plus les Allemands qui nous assaillent comme en 1939, c’est nous, les députés de la France, qui nous entredéchirons ! De la France, j’ai beau me rappeler que le Général s’en faisait « une certaine idée », sans plus de précision d’ailleurs : je ne sais comment il réagirait face à cette certaine réalité.

L p : Ce sont seulement les cris des députés qui vous gênent ?

MB : Oui, car ils cachent leur peur d’affronter les difficultés et les décisions à prendre, en s’invectivant et en se divisant. Ces élus ne pensent pas à la Nation, mais à l’Élysée. Ce sera dans un an pour l’une à l’extrême droite, ou dans trois à l’extrême gauche pour l’autre. Pendant que le centre se subdivise. Quelle chienlit !

L p : Vous savez, cela fait quelque temps que je vous observe, avant de vous rencontrer dans mon cabinet. Je pensais que vous étiez la victime émissaire parfaite. Vous venez du plus petit des partis, vous n’êtes pas candidat au poste suprême : donc vous les culpabilisez, en prenant tant de risques. Ils vous envient sans vous comprendre, donc ils rêvent de vous immoler en votant la défiance. Mais rien ne les presse, car ils ne sont pas fous : cette conjuration les mettrait face à face, et ils n’auraient alors rien d’autre à proposer que des versions atténuées de leurs programmes antérieurs. Pas facile avec ce qui se passe, ici et ailleurs, et qu’ils « découvrent ». Ce serait reconnaître, tous, que la dette publique est le cumul de quarante ans de leurs refoulés.

MB : Et alors, qu’est-ce que je fais, moi, en Saint Sébastien ?

L p : Sauf erreur de leur part, s’ils se trompent entre leurs votes et motions, vous êtes là jusqu’à la présidentielle. Vous aurez donc le temps de commencer à mettre le pays sur de meilleurs rails : une diminution des dépenses, assez pour faire changer les comportements irresponsables.

MB : Et alors, je pars ! Leur ayant donné un répit ?

L p : Comme un autre en 46 ! Pour résister, il vous faut d’abord croire vous-même que vous allez changer la folie dépensière, en fait destructrice, qui est en cours et s’emballe. Puis passer à l’action, pour la casser. Surtout, il faudra trouver l’ « après-Barnier », celui qui sera Président et fera oublier Macron II en nous sortant de l’ornière. C’est cela qui vous fera tenir, en prenant le sens de l’Histoire, avec un grand ‘H’.

MB : J’ai compris : deux ans à souffrir, pour laisser place à un sauveur qu’on n’a pas vu ! Mais nous ne manquons pas de critiques et de porteurs de propositions ! Et aucune pour nous unir ! Chacun s’occupe de ses intérêts : l’égoïsme domine, car personne ne voit le risque qui pèse sur tous. L’Otan est là, l’euro aussi avec la Banque centrale européenne et, derrière, les Etats-Unis et le FMI : nous pourrions continuer, personne n’aurait la possibilité de nous détruire !

L p : Le courage n’est pas ce qui anime ceux qui pensent n’avoir rien à perdre — c’est l’inconscience. Il vient de l’analyse du réel, pour l’affronter et gagner, avec une vision de long terme. Les chiffres du PIB sont plus une façon de s’abriter derrière 1,1% de croissance que de foncer. C’est seulement la prise de risque qui fait gagner, le choix de masser ses forces, pas de les répartir.

MB : Donc il faudra que je travaille sur quelques tendances lourdes plutôt que raboter les dépenses pour répartir les aigreurs ? L’armée, la police, la santé et l’école, en les responsabilisant, avec plus de moyens pour le Plan, plus de visions tranchées. Et parler de volonté, de responsabilité ?

L p : Oui, ils veulent vous user, c’est leur point commun. Ceci ne résout rien : ils le savent, mais les épargne. Vous devez parler plus fort de nos risques et dire de ne pas abuser de nos protections.

MB : Oui, il ne s’agit pas de faire peur mais de dire ce que chacun sait, pour réussir ensemble.

L p : Tuer la victime émissaire n’a jamais rien réglé.

MB : J’y vais !