Mettre un gilet vert à la Banque centrale européenne

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26 mai : 69 députés verts au Parlement européen. 23 mai : la Société du Grand Paris émet sa troisième obligation verte d'un milliard d'euros, à échéance du 25 mai 2050. Ce même jour, lors du 1er conseil de défense écologique, Edouard Philippe annonce la création de « France Transition Ecologique ». Il s’agit de réunir des financiers publics pour créer un « Plan Junker vert français » et faire effet de levier sur les financements privés. Objectif : 10 milliards d'euros.

 Mettre un gilet vert à la Banque centrale européenne

Et si la Banque centrale européenne aidait cette évolution en réservant ses taux bas aux moins pollueurs, en « verdissant » sa politique monétaire ?

Est-ce que ce ne serait pas la meilleure réponse globale, économique, sociale, donc politique, à nos problèmes à long terme ? Ce serait mieux que de taxer brutalement l’essence !

 

Profitons-en : en France, les attitudes changent.

Les samedis sont de moins en moins « jaunes », les vendredis de plus en plus « verts », jeunes et mondiaux. En simplifiant, les premiers s’intéressent au pouvoir d’achat, menacé, des quadras dans les petites villes et les bourgs, les seconds à la vie future, la leur et celle de leurs enfants et petits-enfants. Deux préoccupations séparées d’un demi-siècle au moins. L’État a consacré 10 milliards aux premiers. Les seconds veulent un changement plus important et profond, qui peut ne pas convenir aux premiers. Que sera une société décarbonée, végétarienne, aux produits à longue durée de vie et hyperinformée ?  Qu’y deviendront emploi et retraites, si la formation et les investissements ne suivent pas, massivement ?

 

Certes, il faut taxer le pétrole pour en consommer moins, en appliquant le principe « pollueur-payeur ».

Avec une énergie plus chère, chercheurs et entreprises vont innover, ménages et entreprises faire plus attention, acheter des équipements et véhicules plus efficaces, isoler usines et immeubles. La croissance sera moins gourmande en énergie, meilleure dans la durée.

 

Mais tout est dans la manière d’appliquer ce principe !

« Pollueur oui, payeur non » : c’est au riche de le faire, dit le « gilet jaune », parce qu’il le peut ! Une note du Conseil d’analyse économique propose ainsi de combiner taxation écologique et politique de répartition. L’intégralité de la taxe perçue serait retournée aux ménages selon leur revenu (vers les plus faibles) et leur localisation (vers les communes rurales et les petites aires urbaines). Mais que diront les « riches » ? Surtout : est-ce que cela suffira ?

 

Or c’est la Banque centrale européenne qui pollue, indirectement certes !

C’est elle qui baisse les taux d’intérêt pour soutenir la croissance et l’emploi, permettant ainsi d’acheter moins cher automobile ou maison ! Les taux bas sont les mêmes pour l’éolien, le nucléaire ou le charbon !

 

Cette contradiction financeur-pollueur est aigüe, même si elle est cachée.

Nous voyons certains effets du changement climatique. Souvent tragiques, avec morts, feux, tempêtes, sécheresses, ils pèsent sur la croissance et l’emploi. Des crues plus fréquentes ou la montée des eaux obligent à déplacer des constructions, à élever des murs, à hausser des digues, bref à des investissements pas immédiatement rentables. Les assurances deviennent plus sensibles à ces risques. Les banques semblent peu impliquées, surtout face à la taille de ces nouveaux besoins.

 

Les banquiers centraux sont encore plus en retrait.

Leurs politiques monétaires sont à un ou deux ans : les risques climatiques n’entrent pas dans ce radar, sauf à devenir plus fréquents et importants, avec plus de faillites et d’inflation ! Pourtant, le réchauffement climatique peut faire monter l’épargne de précaution, donc peser sur la croissance, causer des pénuries, donc faire monter les prix, sans oublier les cas extrêmes de récession et de crise bancaire. Quand viennent les catastrophes, tout le monde se dit : « il faut faire quelque chose », puis oublie. Mais ces risques sont surtout lents et graduels. Ils chambouleront la croissance quand ils se manifesteront, avec des besoins financiers immenses, potentiellement inflationnistes, qui bouleverseront alors la politique monétaire.

 

Mais pourquoi donc la BCE n’intègre-t-elle pas déjà le réchauffement climatique comme potentiellement inflationniste ?

Elle achèterait des « obligations vertes », finançant moins cher des programmes écologiques, lançant le mouvement. Et le « principe pollueur-payeur » deviendra : « le pollueur financé moins cher pour dépolluer » !