Vers une revanche du consommateur déconfiné ?

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Le retour à la vie « normale » n'est pas sans poser nombre de questions : quels seront nos futurs modes de consommation ? Avec quel niveau d'inflation ? Autant d'interrogations qui vont peser sur la reconfiguration de nos économies, écrit Jean-Paul Betbeze.

Vers une revanche du consommateur déconfiné ?

Sus aux terrasses ! Une revanche ? Et après ? L’idée est dans tous les esprits : retrouver cet « ancien » plaisir avec, quand même, la crainte de faire repartir une nouvelle vague de virus. Une revanche à contrôler ? Oui, d’un point de vue sanitaire bien sûr. Oui, aussi, d’un point de vue économique : il ne s’agit pas que cette revanche réveille l’inflation, forçant la Banque centrale à monter ses taux, ce qui serait la pire des choses. Aujourd’hui cependant, nul ne sait ce qui va se passer, car nul ne connaît l’ampleur de la décompression qui s’avance, comme du champagne qui sortirait de sa bouteille. Va-t-il y avoir des excès, plus ou moins importants et temporaires, avant un retour à l’ « ancienne normale », ou bien allons-nous vers l’installation de nouveaux comportements nés du confinement ? Le COVID-19 va-t-il accélérer des changements jusque-là graduels, qu’il s’agisse d’e-consommer, de s’informer et de se réunir par webinaires ou encore de télétravailler ?

Un fait d’abord : une revanche mécanique va être forte dans la consommation, surtout en services, les ménages français ayant par devers eux un important supplément d’épargne liquide, largement en banque. On parle de plus de 100 milliards d’épargne forcée, faute de pouvoir consommer en sorties, cafés et restaurants, hôtels, culture et surtout vacances. Ces liquidités se retrouvent chez les plus hauts revenus, qui dépensent plus dans ce type d’activités, mais on ne peut exclure des recours au crédit à court terme quand les barrières seront levées. Pas une « revanche de riches » : la satisfaction de besoins réprimés.

Des questions ensuite : les terrasses une fois peuplées, les consommateurs vont-t-il choisir des plats plus chers, partir plus loin ou plus longtemps en vacances, monter en gamme, donc en prix, dans leurs demandes ? Déjà, on voit baisser leur dernier taux d’épargne, en attendant qu’ils puisent dans celle qu’ils ont accumulée. L’inflation par la demande peut alors pointer son nez. Mais la question va vite passer à l’offre, quand on alertera sur les manques de personnel ou leurs demandes d’augmentation, sans oublier des entrepreneurs qui pourraient vouloir « se refaire ». Voilà venir l’inflation par l’offre, dans les services, plus redoutable que celle dans l’industrie, puisque la productivité ne viendra pas là sans concentrations et restructurations.

Enfin et surtout, il s’agira de tester le nouveau sentier de croissance qui peut s’ouvrir, avec de nouveaux modes de consommation. S’ils demeurent et s’étendent, ils forceront à revoir les filières de production et de distribution. Les livraisons à domicile vont-elles se développer (donc devront s’améliorer, notamment pour la précision des horaires), en lieu et place des hypermarchés ? Des supermarchés vont-ils se multiplier, livrés par petits camions pour ne pas congestionner les centres villes ? Le télétravail va-t-il désengorger les transports en communs, réduire les espaces de bureaux et conduire à de nouveaux contrats de travail, avec des salaires éventuellement supérieurs ? Allons-nous, volontairement, passer plus de temps à dix kilomètres autour de chez nous ? Avec quelle socialisation en entreprise ?

Au-delà du PIB qui grimpe avec les services, comment structurer des productions plus efficaces, peu inflationnistes et surtout plus résilientes aux chocs ? Comment répondre aux besoins ainsi révélés ? Cette revanche n’est pas une vengeance : elle doit servir !


Les Echos

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