Silicon Valley Bank, Signature, Credit Suisse, Deutsche Bank : où s’arrêtera la bourrasque bancaire mondiale ?

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Les marchés financiers ont tangué face aux risques de contagion dans le secteur bancaire mondial après des faillites aux Etats-Unis.

Silicon Valley Bank, Signature, Credit Suisse, Deutsche Bank : où s’arrêtera la bourrasque bancaire mondiale ?

Décidément, le mois de mars a été funeste aux banques. Il annonce sans doute des restructurations profondes du secteur et de grands risques, suite aux 4 coups de tonnerre différents que nous venons de subir.

Premier coup de tonnerre : SVB, Silicon Valley Bank, une banque de la technologie. SVB est, enfin était, l’icône du secteur. Elle le finançait et recevait les dépôts des grands noms du secteur. Elle vient de fermer, après une semaine dramatique. Les enquêtes diront ce qui s’est passé en matière de conflit d’intérêts ou pire, reste que cette banque était trop spécialisée dans un seul secteur, la technologie et surtout que ce secteur est aujourd’hui victime de l’éclatement de sa bulle. Ainsi META (Facebook) licencie encore 10000 salariés, après 10000 en novembre 2022, sans que le message du renversement du cycle ne soit encore suffisamment perçu : ceci devrait aider !

Deuxième coup : Signature, encore une banque, mais spécialisée elle dans les crypto monnaies. Or, voici quelque temps que cet autre secteur inquiète, non seulement avec Bitcoin, son phare, mais aussi tous ces autres actifs qui se disent stablecoins, stables parce qu’ils prétendent être aussi stables que le dollar, mais plus rentables que lui, afin d’attirer des capitaux. Bien sûr ! Mais quand la FED, la Banque centrale, augmente ses taux, faisant passer les Fed funds à 5%, les stablecoins doivent faire mieux. Faire mieux, c’est trouver des crédits aux entreprises qui rapportent plus, ce qui implique plus de risque. On comprend que c’est de moins en moins facile : les stablecoins qui ne peuvent satisfaire cette promesse meurent, ce qui met en difficulté majeure les banques qui les traitent, comme Signature. Elle vient de disparaître et de se vendre le 19 mars à Flagstar, désormais Flagstar Bank et qui se prépare à devenir une banque commerciale… donc moins risquée.

Troisième coup : après la banque et la technologie, puis la banque et les crypto monnaies, voici le troisième coup qui frappe toujours la banque, mais d’une autre espèce et en Suisse, avec le Crédit Suisse. Supposé alimenté par les grandes fortunes internationales et protégé par la Banque nationale suisse (BNS), il devait résister à tout. Mais voilà des années qu’il connait des malheurs, paye de fortes amendes notamment aux Etats-Unis, donc voit son image écornée. Il annonce régulièrement des restructurations, en changeant tout aussi régulièrement de dirigeants, mais rien n’y fait. Début mars, le responsable du fond saoudien indique qu’il ne peut augmenter sa participation dans la banque, ce que les marchés interprètent négativement. Il dira plus tard que c’est parce que son fonds a déjà 10% du Crédit Suisse et qu’il ne peut aller plus loin en fonction de ses statuts, mais le mal est fait. En même temps le gendarme de la Bourse américaine (SEC), indique qu’il y a dans les comptes des anomalies… un autre éclair, mortel celui-là. La Banque nationale suisse et l’organisme de surveillance des banques ont beau promettre que la banque est sûre, rien n’y fait. Quelques heures après, devant l’effondrement du cours boursier, il faut trouver en Suisse un riche parti pour le Crédit Suisse : il n’y a guère qu’UBS, qui est en meilleure forme après une série de déconvenues. Marier Crédit Suisse à UBS, c’est comme marier BNP à Crédit Agricole, il y a là de quoi poser des problèmes de concurrence et surtout de risque : l’UBS nouvelle, si elle flanche, entraîne le pays ! Pour cela il faudra aussi prévenir les détenteurs de certaines obligations, mieux payées car plus risquées, pour 17 milliards quand même : ils ont tout perdu.

Quatrième coup : les obligations apparaissent vraiment quand vient le tour de la Deutsche Bank. C’est une banque, comme toutes celles qui viennent de souffrir, de plus en plus regardée, symbolique par son nom et sous pression, ayant subi nombre d’avanies, et qui vient pourtant d’annoncer enfin un profit de 5 milliards d’euros. On peut penser qu’elle est sortie d’affaire. Mais la Bourse ne l’entend pas de cette oreille : l’action Deutsche Bank commence la journée du 24 mars à 9 euros, puis baisse à 7,95 vers 13 heures, avant de finir à 8,5. Viennent donc les assurances des dirigeants de la banque, des autorités de surveillance bancaire, du Chancelier allemand et de Christine Lagarde, en espérant que ceci suffira. En attaquant en effet la Deutsche Bank, les marchés financiers s’en prennent à un ‘’gros morceau’’. Après toutes les garanties données déjà aux banques américaines, plus celles données à UBS, que faut-il ? On finit alors par savoir que la banque a remboursé vendredi des obligations. Elles étaient moins risquées que celles du Crédit Suisse quand même, mais pourquoi, et pourquoi par anticipation ?

On comprend que les banques de la technologie seront particulièrement surveillées, que les banques moyennes américaines dont le total du bilan est inférieur à 250 milliards$, ce qui leur permet d’échapper aux contrôles de Washington, le seront plus également, que les cryptos seront mal vues. A preuve, vendredi 24 mars la FED a envoyé un message très clair à l’encontre de Custodia, une entité qui voulait se lancer dans les crypto monnaies, en lui refusant son statut de banque et donc sa surveillance ! On suppose que le message a été compris par tous, actionnaires et clients.

On se doute que la bourrasque ne pourra se réduire qu’avec plus de fonds propres, mais surtout par plus de régulation. Le modèle est Bâle III, applicable aux banques européennes et seulement à une vingtaine de banques américaines, cette régulation y étant supposée trop chère et handicapante. Dans le cas européen, on peut espérer que ces chocs vont conduire à achever l’Union Bancaire, avec une meilleure protection des dépôts et plus de surveillance européenne, avec une Union des Marchés de Capitaux qui elle aussi s’étendra à la zone et la renforcera. Mais nous n’y sommes pas en zone euro à cause des interrogations que l’on peut avoir sur la solidité de systèmes bancaires dans tel ou tel pays (Italie pour ne pas la nommer et les Landesbanken pourquoi pas). Mais nous y sommes moins encore aux Etats-Unis, où le fait de ne plus surveiller les banques de moins de 250 milliards$ en total de bilan vient de… Donald Trump.

Mais le pire est ailleurs : dans les milliards d’obligations publiques que détiennent les banques, en moins-value comptable puisque les taux courts montent. Quand fera-t-on les comptes ? Pour arrêter la bourrasque faut-il des banques moins nombreuses et plus grosses, avec des risques plus répartis ? Faut-il arrêter les cryptos ? Faut-il plus de surveillance et de capitaux ? Oui, mais il faut surtout cesser, au moins un moment, de monter les taux et de toujours tant dépenser.


Atlantico

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