Qu’arrive-t-il à Christine Lagarde ?

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Christine Lagarde, présidente de la Banque centrale européenne (BCE), se lance. Elle, qui mesure toujours ses propos, est devenue méconnaissable !

Qu’arrive-t-il à Christine Lagarde ?

Voilà qu’à Berlin ce 26 mai 2025, dans une conférence sur « le rôle de l’Europe dans un monde fragmenté », organisée par le Centre Jacques Delors à la Hertie School, elle s’inquiète (un peu) du dollar et se demande (surtout) ce qui freine la progression de l’euro dans son rôle de monnaie mondiale de réserve, à la place du dollar. Elle récidive, pourrait-on dire, le 5 juin, lors de la conférence de presse où elle présente les décisions de politique monétaire de la BCE, notamment sa baisse des taux de 25 points de base à 2,15 % pour le taux de refinancement. Cette baisse vient de celle de l’inflation, liée à celles du pétrole et plus encore du dollar face à l’euro. Cela la conduit à répondre ainsi à une question de l’assistance : « Il existe une opportunité, qui s’ouvre désormais, de renforcer le rôle de l’euro en tant que monnaie internationale et de le faire évoluer vers une possible monnaie de réserve internationale de choix. » Elle ajoute que « cela ne nous sera pas accordé ».

 

Pourquoi l’euro n’est-il pas plus gardé par les banques centrales ?

C’est l’interrogation qui vient à l’esprit, quand on voit ce qui se passe aux Etats-Unis. Le président Trump y paraît jongler avec les droits de douane, ce qui, à la fin, conduira dans son pays à plus d’instabilité, à plus d’inflation, à moins de croissance et à de fortes remises en cause des filières mondiales de production. Mais, face à ses agitations et menaces, avec de brusques retours en arrière, sans compter qu’il appelle lui-même de ses vœux à un dollar plus faible, c’est l’or qui monte !

Le dollar reste la grande monnaie de facturation : 60 %, contre 20 % pour l’euro, même si sa part dans les réserves mondiales baisse actuellement à 58 %, contre 60 % il y a quelques années. La part de l’or monte à 20 % et dépasse ainsi celle de l’euro, à 18 %. On facture en dollars, on garde à peu près autant en dollars, moins en euros. Les 2 % de réserves monétaires gagnées vont à peine au dollar australien, un peu au dollar canadien, un peu plus au renminbi, mais surtout aux « monnaies non traditionnelles » (pour citer le FMI, sans précision ni sur les noms, ni sur les montants), qui représentent dorénavant près de 4 % du total des réserves (franc suisse, couronnes suédoise, danoise, norvégienne, dollar singapourien, won coréen). Celui qui gagne, en fait, c’est l’or.

Celui-ci est en effet accumulé à un rythme élevé par les banques centrales : plus de 1 000 tonnes en 2024, soit le double de la moyenne stockée depuis dix ans. Ce sont ainsi 36 000 tonnes gardées en sous-sol, presque les 38 000 tonnes de 1965, le beau temps de Bretton-Woods.

On peut se demander pourquoi les inquiétudes suscitées par Trump ne profitent pas plus à l’euro. Les raisons abondent, des deux côtés. Côté zone euro, Christine Lagarde met d’abord l’accent sur la complexité de la zone : 27 pays, 28 bientôt (la Bulgarie), ont une monnaie commune, c’est-à-dire une politique monétaire commune. Bien sûr, leurs économies, leurs tailles et spécialisations, donc leurs objectifs diffèrent et les tensions internes doivent être dépassées, ce qui ne va pas de soi dans un monde secoué, « fracturé », comme dit la présidente de la BCE. Elle reprend les rapports Draghi et Letta, plus les engagements écologiques (qui souffrent), pour mettre l’accent sur l’investissement, la formation, la productivité et plus encore sur l’union de l’épargne et de l’investissement. Il s’agit de faire en sorte que l’Union européenne, qui épargne bien plus que les Etats-Unis, en profite pour son propre développement, en investissant chez elle. Christine Lagarde poursuit en faisant référence à ce qui se passe pour la régulation des banques, où les petites et moyennes sont suivies au niveau national, et les grandes (systémiques) à Francfort, à la satisfaction de tous : le système bancaire européen est très solide, lui… On pensera aux problèmes des banques moyennes américaines, secouées par la volatilité des (gros) déposants, mais on n’en parlera pas.

 

L’euro stigmatisé ?

C’est ici que Trump entre en scène (c’est le cas de le dire) avec ses attaques contre l’Europe (l’euro), ses manipulations des droits de douane et ses interventions politiques contre l’Europe, encore et toujours. Tout se passe comme si, pour Trump, l’euro était la zone faible, par rapport à la Russie et à la Chine qui résistent, les normes protégeant moins un marché qu’une armée. Les marchés financiers le voient.

L’Union aide d’autant moins qu’elle tergiverse à s’armer ensemble et à aider l’Ukraine. Elle utilise les revenus des dépôts russes, mais ne saisit pas ces dépôts. Heureusement, car alors le coup porté à l’euro-dépôt serait terrible : l’or ne rapporte pas, mais au moins il ne se saisit pas ! Lors de la présentation le 5 juin, où Christine Lagarde a présenté les décisions de politique monétaire de la BCE, on pouvait lire « responsable » sur son collier. Si l’euro l’est, une fenêtre unique s’ouvre pour lui, mais « cela ne nous sera pas accordé ».


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