Pourquoi Emmanuel Macron rend impossibles les campagnes présidentielles telles qu’on les a connues depuis 1962

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« Ce qui arrivera quand de Gaulle aura disparu ? Eh bien… ce n'est pas le vide politique, c'est plutôt le trop-plein ».

Pourquoi Emmanuel Macron rend impossibles les campagnes présidentielles telles qu’on les a connues depuis 1962

Nous n’avons plus de Gaulle, mais toujours le trop plein, avec plus de candidats que de grands meneurs, semble-t-il. Estimons-les à une dizaine pour la présidentielle qui vient, après les différentes primaires et autres présélections, avant le duel tant attendu. Et ne nous étonnons donc pas, ni de l’importance de l’abstention, ni de l’éclatement des choix, avec un(e) Président(e) finalement choisi(e) par le quart des inscrits. Il ne faut pas s’étonner non plus de ce qu’il en adviendra : des tensions permanentes, des choix prudents de l’élu(e) dans la mise en œuvre de son programme pasteurisé, donc moins de croissance et toujours plus de dette !

Pour être élu(e) Président(e) en France, c’est pourtant, en théorie assez simple : il faut plus de voix que l’autre.Evident ! Donc, il « suffit » de partir d’un bord de l’échiquier politique, en évitant si possible les extrêmes, ou en faisant en sorte de les calmer, pour avancer doucement vers le centre. Doucement, pour ne pas trop perdre de sa base de départ, tout en lui expliquant que ces assouplissements sont nécessaires, si l’on veut gagner. Si l’on part de la gauche, le mieux est toujours de réduire la fiscalité indirecte, les taxes sur l’essence par exemple, ce qui se perçoit tout de suite, et le volume de l’emploi pour proclamer plus de salariés, avec des baisses de la durée du travail et de l’âge de la retraite, sans oublier des augmentations de salaires. En partant de la droite, il faut promettre de ne pas monter les impôts, d’assouplir les règles et les contraintes pour créer des entreprises, sans pour autant jamais trop flexibiliser l’emploi. Moins de fonctionnaires est toujours au menu, entre « des baisses » qui plaisent à l’électorat, mais qui vont inquiéter les personnels et surtout énerver les syndicats, ou bien, plus douces, « des réaffectations », qui vont énerver les syndicats et inquiéter surtout les personnels.

Mais il faut éviter de partir de trop loin, comme l’ont fait Mme Hidalgo ou M. Mélenchon au tout début. Mme Hidalgo commence en effet sa pré-campagne avec le doublement des salaires des enseignants, ce dont ils ne rêvent même pas, avant de passer aux 32 heures, ce qui serait rejoindre la situation des prolétaires de la Ville de Paris mais ce qui est trop peu. Ainsi, elle ne répond pas aux comptables qui estiment à 30 milliards l’an la première de ses mesures. M. Mélenchon veut fermer les centrales nucléaires, au moment même où la crise énergétique fait rage, avec les tensions sur les prix du gaz et de l’électricité que l’on voit. Les deux devront donc se « recentrer », s’ils veulent s’approcher du réel. Très à droite, Mme Le Pen ne parle plus de Franxit, voyant peut-être ce que Brexit veut dire. M. Zemmour regrette l’euro, mais sans pour autant en sortir, ni sans être très explicite sur la gestion de la forte baisse de l’immigration qu’il demande. Surtout, en économie, il leur faudra bien parler salaires, filières, industrie, dette ou Chine pour se « recentrer », et moins de politique générale.

La nouveauté de la présidentielle actuelle est l’importance et la fidélité des votes autour d’Emmanuel Macron. Elle empêche la figure classique des élections en science politique : le grignotage du centre. L’idée est toujours d’atteindre et de faire basculer « l’électeur médian », d’un côté ou d’un autreEmmanuel Macron attend en effet, pour se déclarer, de voir plus clair du côté de la « droite classique », avec peut-être M. Barnier et de la « gauche semi-classique », avec Mme Hidalgo ou M. Jadot. Il compte actuellement trois candidats sur sa droite et trois ou quatre sur sa gauche, ce qui est beaucoup. Occupant le centre, il le consolide avec ses programmes : réindustrialisation, réforme de la justice, soutiens au logement, à l’apprentissage ou encore au sport. Il étend ses propositions des deux côtés de son électorat qui n’en prend pas ombrage, au contraire.

Emmanuel Macron bouleverse ainsi la tactique des livres de science politique en pariant, en fait, sur la somme des deux abstentions. Les deux extrêmes devraient replier de la toile pour se recentrer, donc susciter plus de rogne que de compréhension chez leurs soutiens. Ils resteront chez eux au deuxième tour.

Emmanuel Macron serait donc élu au centre… des abstentions. Mais ceci l’empêchera de prendre les mesures fortes qui, pourtant, s’imposent. Difficile donc d’être le Schröder français ! Ceci alimentera les « bonnes raisons » de continuer pour chacun des deux extrêmes, après. On a compris l’idée : faire de Macron une parenthèse de la politique française, sachant que, au centre-droit, semble-t-il, Edouard Philippe se pose déjà !


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