Non, la Banque Centrale Européenne n'accroît pas les vraies inégalités !

- Ecrit par

En inondant les marchés financiers de liquidités, la BCE a fait flamber le prix de tous les actifs financiers... mais elle a sauvé aussi l'économie du désastre. Un jeu d'équilibriste.

Non, la Banque Centrale Européenne n'accroît pas les vraies inégalités !

La critique, selon laquelle la BCE accroît les inégalités ne tient pas, tant elle est unilatérale. Pourtant, on la retrouve très souvent dans les commentaires, sinon dans les « analyses ». « La BCE accroît les inégalités » nous assure-t-on : elle soutient la bourse et en fait monter le prix des logements. Et si elle n’avait rien fait ? Vers quelles crises financières, bancaires, industrielles, donc sociales, serions-nous tombés? Cette critique « égalitariste », tellement dans l’air du temps, oublie la base de tout raisonnement correct : le contrefactuel.

Elle oublie de se poser la question sur ce qui se serait passé en l’absence de ces actions tant décriées, notamment le Quantitative easing (Qe), c’est-à-dire l’achat de bons du trésor par la banque centrale. Il a permis le financement des déficits budgétaires croissants des pays de la zone euro en faisant baisser les taux d’intérêt longs ! C’est ce qui a évité le pire en soutenant les valeurs des entreprises et des logements d’un côté pour, d’un autre, éviter l’explosion du chômage. Sans ce Quantitative easing, le taux de chômage serait au moins le double, donc la situation autrement plus inégalitaire !

L’autre quoi qu’il en coûte

Ce n’est pas la première fois qu’elle actionne ce levier. L’histoire commence en 2007, première des trois crises qu’elle a dû gérer. Celle des subprimes, qui vient des États-Unis, la touche en 2008 et fait plonger la croissance et les comptes publics. La deuxième est la crise des dettes souveraines en 2010, qui part de Grèce, pour atteindre l’Irlande, le Portugal, Chypre et s’arrête en Espagne. C’est le « Watever it takes » de Mario Draghi en 2012, avec les financements qui doivent suivre. La troisième crise est la pandémie, début 2020, qui la contraint à redoubler d’efforts. Pas de surprise donc si le bilan de la BCE atteint désormais 70% du PIB de la zone, contre 40% pour les États-Unis : la zone euro, plus fragile et fragmentée, a dû être plus soutenue pour ne pas exploser !

Le dilemme de Christine Lagarde

Aujourd’hui, comment poursuivre cette politique, entre trop peu et trop longtemps ? Le trop pourrait alimenter l’inflation, créer une bulle boursière, prolonger la survie d’entreprises non rentables (zombies), creuser les inégalités entre pays et entreprises sortis d’affaire, et les autres. Le trop peu enfonce les désespérés devant la faiblesse d’activité qu’ils vivent, dans certains secteurs ou régions (services et tourisme notamment).

Reconnaissons enfin les largesses de la BCE, ont bien fonctionné, notamment par leurs effets redistributifs… inavoués. Les revenus tirés des bons du trésor et des dépôts à terme se sont effondrés : motus ! Les valeurs des actions et des logements ont monté : horreur ? Surtout, l’emploi repart avec l’idée que les dettes publiques nées de ces trois crises seront payées à très long terme, grâce au fameux Quantitative easing, là encore, qui solvabilise les débiteurs en augmentant la valeur de leurs actifs (et permettant l’inflation). Pas un mot !

L’inégalité suscitée par la politique de la BCE a donc deux faces : elle réduit l’inégalité que crée le chômage en augmentant celle des patrimoines. Il faut déjà y réfléchir quand il s’agira de réduire les soutiens monétaires.


Express