Le pire est probablement à venir en Ukraine. Et l’Europe doit comprendre que c’est le cas pour elle aussi

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La guerre en Ukraine ne se limitera pas pour les Européens à des marques de soutien sur les réseaux sociaux. Ce sont aussi nos quotidiens et nos perspectives d’avenir qui sont durablement et profondément affectés.

Le pire est probablement à venir en Ukraine. Et l’Europe doit comprendre que c’est le cas pour elle aussi

Photo de Sima Ghaffarzadeh provenant de Pexels

 

Débutée il y a maintenant un mois, l’invasion de l’Ukraine par la Russie continue de perturber la situation économique mondiale et l’Europe n’est pas épargnée avec la mise en place de sanctions. Quelles seront les répercussions économiques pour les habitants de ces sanctions ? Tous les pays seront-ils logés à la même enseigne ?

Jean-Paul Betbeze : Le mois de mars va partout montrer les effets négatifs de la guerre d’Ukraine sur l’activité. Évidemment, au plan économique, les Ukrainiens sont les plus touchés, ruinés dans un pays dévasté. Leurs voisins polonais ou hongrois le sont moins, mais ils ont et auront à supporter les coûts des réfugiés chez eux, jusqu’à être aidés, plus celui du gaz plus cher, plus la perception de leurs dépendances à la Russie.

Tous les pays européens ne sont pas logés à la même enseigne, en fonction de l’énergie, des produits minéraux et alimentaires qu’ils utilisent, du poids de leurs ventes à la Russie et de leur situation financière mais, pour tous, ils seront vus comme plus risqués. Donc les investisseurs y seront plus mesurés, plus inquiets et demanderont, en compensation, une rentabilité supérieure. Il faudra suivre en particulier le cas de l’Italie, très dépendante du gaz russe et dont le rendement des bons du trésor à 10 ans s’approche de 2,1%.

 

Les citoyens du continent devront-ils faire face à une inflation générale causée par la hausse des prix de l’énergie ? Les entreprises seront-elles affectées lourdement ?

Jean-Paul Betbeze : Les prix vont partout monter, du fait du prix du gaz et du pétrole, mais aussi des minéraux et des produits agricoles. Mais si le prix de l’électricité monte, c’est plus à cause d’une règle économique ancienne, totalement inappropriée. En effet, le prix de l’électricité dit « de marché », est celui de l’unité marginale qui est « appelée » à faire la soudure entre offre et demande d’électricité, pour éviter toute interruption sur le réseau. Donc, quand la demande d’électricité augmente, on active, les centrales par ordre de coût, après le nucléaire. On termine ainsi par les turbines à gaz… pour éviter que le réseau électrique ne s’effondre en Europe, alors que le nucléaire fournit l’électricité la moins chère et la plus stable ! Mais voilà, le calcul ancien derrière ce résultat oublie d’où vient ce gaz et les investissements français dans le nucléaire. Si on ne change pas « la formule », on plombe les résultats de l’industrie française et ceux d’EDF.

 

Une transition énergétique à marche forcée, pour réduire la dépendance à la Russie, va-t-elle avoir des conséquences de long terme sur nos vies ? A quel point nos quotidiens vont-ils être changés ? 

Jean-Paul Betbeze : Aussi longtemps que l’on refuse le nucléaire comme « énergie de transition », comme on dit politiquement à Bruxelles, pour ne braquer ni les Allemands, ni les Verts, nous sommes dans les bras de l’Opep, des États-Unis avant d’être dans ceux de la Chine, qui finira par louer une bonne part de la Sibérie pour exploiter son sous-sol. La transition énergétique par l’éolien et le photovoltaïque est insuffisante, chère et intermittente, sauf innovation radicale. Aller « à marche forcée » pour être moins dépendant de la Russie passe par le nucléaire, qui est le plus sûr, sachant que le gaz semble limité (production maximale actuellement en Finlande, 20 ans de réserves en Algérie…), sauf à changer de mode de vie, par télétravail massif notamment ou bien à accepter une croissance plus « sobre », pour ne pas dire « plus faible ». La guerre d’Ukraine montre les dépendances qui sont les nôtres vis-à-vis des lobbies, corruptions et mouvements d’idées, pour autant qu’on puisse les différencier.


Atlantico

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