Après la Silicon Valley Bank, c’est au tour de First Republic de disparaître, avalée cette fois par le monstre Morgan, première banque des pays à économie de marché.
L’instabilité des dépôts bancaires dans les banques régionales américaines, leur départ précipité, par ordinateur, pour profiter d’un placement un peu mieux rémunéré et déstabiliser ainsi la banque elle-même jusqu’à la faire tomber, vont-ils se poursuivre ? La vague d’inquiétudes, ainsi auto-entretenue, va-t-elle enfler ? Joe Powell, le patron de la banque centrale américaine, va-t-il augmenter ses taux de 25 points de base pour lutter contre l’inflation, annonçant une autre série, au moment même où la récession s’approche, ou bien faire une pause ? Christine Lagarde, sa consœur à la banque centrale européenne, va-t-elle dégainer encore 50 points de base, ou passer pour longtemps par doses de 25… la récession n’est pas loin. Au Japon, Kazuo Ueda va-t-il secouer l’héritage décennal d’immobilisme de son prédécesseur ? Inquiet, il commande une revue stratégique qui durera 18 mois : on peut respirer !
Mais les politiques américains à la Chambre des Représentants jouent à un autre jeu : menacer Joe Biden d’un défaut en juin sur la dette américaine s’il ne leur cède pas, en diminuant les dépenses publiques. Ce sont en effet les Représentants américains républicains qui détiennent la possibilité de monter la dette publique en dollars. Pas besoin de demander à Xi Jinping de pousser à la dédollarisation de l’économie : ils s’en chargent. Et les bons du trésor à quatre semaines passent à 4,5% et à plus de 5% à trois mois : le pari est qu’un accord de dernière minute sera trouvé, jusqu’au mois d’octobre.
Et le risque de crise bancaire puis financière augmente. Regardons le film qui s’accélère : lundi 1er mai, la banque JP Morgan achète en catastrophe l’essentiel de First Republic Bank, banque de San Francisco. C’est, par sa taille, la deuxième faillite bancaire américaine. Ceci après les disparitions, il y a deux mois, de la Silicon Valley Bank, victime d’un fol excès de confiance dans le secteur de la technologie, puis celle de Signature quelques jours plus tard, empêtrée dans les cryptomonnaies. C’est donc au tour de First Republic de disparaître, avalée cette fois par le monstre Morgan, première banque des pays à économie de marché. 229 milliards de dollars d’actifs le 13 avril à « gérer » lui viennent, c’est plus que les 209 de Silicon.
Mais c’est toujours la même histoire qui se passe, toujours plus rapide : fuite des dépôts de 40%, soit 100 milliards, effondrement de 97% de son cours boursier depuis le début de l’année pour Republic. Les autorités feront alors, dans quelques mois, un audit de ce qui s’est passé. Sans qu’il soit aussi ravageur que celui qu’ils viennent de publier sur la Silicon Valley Bank, qui est en fait celui de leurs ratés, on trouve une crise de confiance qui s’étend, avec des mouvements de dépôts qui quittent une rémunération à 0,5% au plus pour 3 ou 4% de fonds mutuels, en liaison avec la montée des taux de la Fed.
Les autorités américaines vont alors s’interroger : est-ce la faute de la Fed qui monte ses taux pour lutter contre l’inflation sans trop se soucier du risque de récession et surtout de la santé des banques, surtout régionales ? Faut-il dire que la stabilité financière est au moins aussi importante que la stabilité des prix, sinon plus maintenant ? Est-ce la faute de Trump, qui a allégé les surveillances pesant sur les banques de moins de 250 milliards de dollars de total de bilan, afin de leur donner plus de liberté, et moins de frais ? Est-ce le prix du compagnonnage entre les banques régionales et leurs régulateurs, tout aussi régionaux qu’elles ? Est-ce le prix des innovations avec les cryptomonnaies, pas assez suivies et limitées, pour leur permettre peut-être d’avancer, notamment plus que d’autres pays, dans ce monde ? Est-ce le prix des innovations qui accélèrent la vitesse de circulation des informations, et donc celle de la monnaie ? Tout joue, et il faudra plus de surveillances et de règles.
Surtout, le rachat de First Republic par JP Morgan, à la suite de la demande du gouvernement, avec son soutien, dont on connaîtra un jour le montant, montre la frayeur des autorités. Avec JP Morgan, jugée la banque la plus systémique au monde, il s’agit en effet d’une digue supposée insurpassable pour lutter contre la vague de défiance. Mais déjà, les médias s’inquiètent pour les banques régionales : PNC et Citizens, au vu de leurs cours boursiers en baisse. Et il y a plus de 7000 banques aux Etats-Unis, dont 10 systémiques à l’échelle du monde sur un total de 30.
Dans le monde américain, les dépôts fuient. En « organisant » le rachat de First Republic par JP Morgan les autorités ont joué leur carte maîtresse. La Bourse a moyennement aimé, ce qui limite la possibilité de continuer ce type d’opération avec d’autres grandes banques. On peut donc penser que, si le calme ne revient pas, ce sera à l’Administration de les reprendre et d’organiser leur cession au rabais. La multiplication des petites banques régionales, pensée il y a très longtemps, comme une façon de répartir le risque, ne fonctionne plus au temps d’internet. En zone euro, le calme règne, mais rien n’est jamais acquis.
Atlantico