La Fed et Jay Powell : entre crise bancaire, inflation et récession

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22 mars 2023 : le monde entier regardera ce qu’a décidé Jay Powell, le patron de la Banque Centrale américaine pour les taux d’intérêt à court terme

La Fed et Jay Powell : entre crise bancaire, inflation et récession

22 mars 2023 : le monde entier regardera ce qu’a décidé Jay Powell, le patron de la Banque Centrale américaine pour les taux d’intérêt à court terme. Il écoutera aussi la façon dont il rendra compte de la décision du Comité de la politique monétaire. Jay Powell a devant lui en effet un ample choix : augmenter les taux de 50 points de base, de 25, ne pas les augmenter, voire les baisser de 25 points de base.

Augmenter de 50 points de base ? Ce serait prendre en compte une inflation qui dépasse nettement l’objectif à 2% qu’il se donne, puisqu’elle s’inscrit à 4,5% et que, pire encore, les salaires restent en forte croissance, avec un marché du travail toujours tendu. Le taux de chômage est de 3,6% et le nombre de nouveaux emplois en janvier a été de 311000 contre 205000 attendus. Dans ces conditions, la politique monétaire pourrait prévoir une augmentation des taux de 50 points de base pour calmer cette inflation des services, en fait des augmentations salariales. Ceci correspondrait à ce qu’avait annoncé Jay Powell au Congrès américain il y a quelques jours, lorsque les sénateurs lui reprochaient cette inflation décidemment résistante. Il leur avait répondu qu’il pouvait monter ses taux plus que prévu, inquiétant les marchés. Augmenter de 50 points de base serait montrer que l’inflation ne passera pas !

Augmenter de 25 points de base ? Ce serait dans la ligne de ce qu’il a annoncé, dans un resserrement lent et constant de la liquidité. Il ne s’agit plus d’augmenter de 50 points de base comme en fin d’année dernière, pour calmer les anticipations haussières, mais de montrer un effort résolu et constant. Alors, les 2% d’inflation attendus pourraient se manifester dans un ou 2 ans.

Augmenter de 0 point de base ? C’est actuellement le sentiment qui gagne les marchés, avec la crise bancaire et financière qui secoue les Etats-Unis. Il s’agit là d’une histoire toute récente, à la Netflix. Le 8 mars, la Silicon Valley Bank, 16ème banque américaine, ferme ses portes. Quelques jours avant, elle annonce des problèmes de trésorerie et vend pour plus de 20 milliards de dollars en bons du trésor. Mais, compte tenu de la hausse des taux longs, cela correspond pour elle à une perte de 1,8 milliard. Pour répondre à ses besoins la banque annonce alors une augmentation de capital en catastrophe de 2,25 milliards. On s’en doute, ces nouvelles sont du plus mauvais effet sur les clients et accélèrent la fuite des dépôts. Le vendredi, les autorités américaines décident donc la fermeture de la banque. En même temps, à New York une autre banque, Signature, 26ème banque américaine, mais spécialisée elle dans les crypto-monnaies, se trouve face aux mêmes difficultés de trésorerie et doit, elle aussi, fermer. Normalement, dans la législation américaine les dépôts sont assurés jusqu’à 250000 dollars. Au-delà, le remboursement se fera en fonction des montants récoltés par la vente des actifs : il s’agit de responsabiliser les gros déposants. Mais les autorités décident de rembourser entièrement tous les déposants, s’affranchissant de la limite des 250000 dollars. On dira que c’est un encouragement à la prise de risque, sauf que les autorités indiquent qu’elles tiennent absolument à empêcher une vague d’inquiétudes qui pourrait faire venir la récession. Dans ce contexte Jay Powell pourrait dire qu’il passe son tour de hausse jusqu’au 3 mai, pour regarder l’étendue des problèmes dans les banques de moins de 250 milliards de dollars d’actifs. En effet, elles ne sont pas régulées, pas soumises à des stress tests, pour être plus libres, disaient-elles, un souhait exhaussé en son temps par Donald Trump, suite au forcing du patron de … la SVB !

0 point de base ce serait donc une façon de calmer davantage le jeu et de regarder plus précisément ces banques qui sont toujours au-dessous du radar. En même temps, les inquiétudes monteront sur les pertes non comptabilisées liées aux augmentations des taux d’intérêt dans les portefeuilles obligataires. On parle de 850 milliards de dollars de portefeuilles menacés de perte ! Que faire ?

Enfin, -25 points de base serait une réaction en catastrophe, en supposant que les fonds d’urgence décidés pour sauver la SVB ne suffiront pas. On comprend que ce serait le début non pas d’une crise bancaire américaine, mais bien mondiale.

Au total, Jay Powell va sans doute profiter de la crise actuelle pour renforcer ses capacités de surveillance pour les banques moyennes, prétextant de leur fragilité, notamment quand il s’agit de technologie et de crypto-monnaies. Dans ces 2 secteurs, l’abondance des liquidités et les rêves de plus-value ont conduit  à deux bulles qui sont en train d’éclater. 25 points de hausse, c’est parier que les esprits vont se calmer et qu’il faut montrer une main ferme. 0 point de base, c’est se donner du temps pour mieux savoir ce qui se passe, enquêter voire arrêter, et renforcer son pouvoir : ce n’est donc pas idiot !


Atlantico

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