États-Unis, zone euro, Royaume-Uni et Suisse : la semaine où les banques centrales pourraient tout changer… ou tout rater

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L’hypothèse la plus rassurante serait que ces 4 banques centrales coordonnent enfin leur action, peut-être avec une hausse de taux de 0,5% pour calmer le jeu ?

États-Unis, zone euro, Royaume-Uni et Suisse : la semaine où les banques centrales pourraient tout changer… ou tout rater

États-Unis, zone euro, Royaume-Uni et Suisse : 0,5% de hausse de taux pour calmer le jeu ?

Chiche : un rare quarté des grandes banques centrales se prépare cette semaine ! Fed (Banque centrale américaine), BCE (Banque centrale européenne), BoE (Bank of England) et BNS (Banque nationale suisse) vont peut-être chacune augmenter leurs taux d’intérêt d’un même montant : 0,5%.

Évidemment, cet unisson ne devrait rien au hasard : il s’agit de dire aux marchés financiers, en fait au monde entier, que les grands argentiers jugent achevée leur première salve de hausses de taux, celle où il fallait montrer qu’ils s’opposaient à un regain autoentretenu de l’inflation, autoentretenu par la boucle salaire-prix. De fait, nous ne sommes pas à 2% d’inflation, loin s’en faut, mais à 7,7% aux États-Unis, à 10% en zone euro, 11% au Royaume-Uni et 3% en Suisse. Quoi : une même potion de hausse de taux, pour des situations à ce point différentes ? Ce serait donc l’idée, médiatique, politique et financière !

0,5% de hausse de taux pour tous : ce serait d’abord l’idée médiatique. La caisse de résonance mettra immédiatement l’accent sur cette hausse conjointe, sur cette rare unité des banques centrales qui disent pourtant, chacune, être indépendantes. Chacune assure être liée à sa situation et à son objectif d’inflation – qui se trouve être le même que les autres. En fait, on peut comprendre à partir de ce nouveau rythme de hausses de taux qu’inaugure la Fed, qu’elle se juge satisfaite, elle, des résultats obtenus. Et ceci même si l’emploi reste fort et l’inflation tenace. Ceci devrait mener à une série éventuellement plus longue de hausses de 0,5%, après la salve virile des 0,75%. L’écart entre inflation américaine (7,7%) et taux (4%) reste ainsi de 3,7%, avant de se réduire du côté de l’inflation, souhaitons-le.

Médiatiquement, cet assouplissement serait bien plus apprécié encore en zone euro et au Royaume-Uni, où l’écart est plus important et compliqué : 8% en zone euro (10% d’inflation moins 2% de taux d’intérêt) et de 8,1% au Royaume-Uni (11,1% d’inflation moins 3% d’intérêt). Il reste étrange en Suisse, où les taux sont à 0,5% pour une inflation à 3%, soit un modeste écart de 2,5% : rien de mieux que le Franc suisse, alors ! C’est la raison médiatique qui l’emporte : il faut envoyer partout le message de la décrue de l’inflation, donc de la faible légitimité des revendications salariales qui pourraient faire dériver l’ancrage des anticipations inflationnistes. Le risque majeur des banques centrales est là : en réduisant les hausses de taux, elles veulent envoyer le message qu’elles ont gagné la première manche contre l’inflation. On pourrait ralentir.

0,5% de hausse de taux pour tous : ce serait l’idée financière, pour éviter que de trop fortes salves de taux ne conduisent à une récession forte, alors que c’est une récession douce qui est (évidemment) recherchée. Voilà des années que les banques centrales cherchaient à sortir des crises des subprimes américains et de la dette publique des pays du sud européens, qui les avaient toutes forcées à innover. Avec le quantitative easing, l’achat de bons du trésor par les banques centrales, et la forward guidance, le pilotage des anticipations, tout devait bien se passer. Il suffisait d’y croire et d’attendre.

Mais viennent le Covid 19 et la guerre d’Ukraine qui se mettent au travers de la guérison. Le 2% s’éloigne ! Les problèmes se combinent, s’emmêlent, et surtout s’enkystent. Le Covid 19 met profondément à mal les chaînes de valeur ajoutée : très désinflationnistes grâce à la Chine, elles étaient aussi très fragiles. Elles montrent aujourd’hui les dépendances des États-Unis et de l’Europe, derrière leurs succès. Puis vient la guerre d’Ukraine, qui accentue et étend toutes ces dépendances, énergétiques, militaires, en denrées agricoles et terres rares enfin. Pour les réduire, il faudra dépenser et investir énormément, donc accepter des déficits publics plus importants, notamment en Europe, avec davantage d’inflation. C’est là que le bât blesse, puisque la zone euro reste fragile, notamment en Italie et en France, qui aura besoin de 240 milliards d’euros pour boucler son budget, sans oublier la situation anglaise, plus tendue. Il faut donc absolument éviter toute grave récession européenne !

Il faudrait donc arrêter de monter les taux de 75 points de base à chaque réunion de banque centrale, pour passer à des doses de 50 points de base. En effet, si monter les taux courts vite et fort est souvent décrit comme la preuve de l’engagement des banques centrales dans leur lutte contre la montée de l’inflation, continuer sur ce rythme peut inquiéter. Ceci ferait trop monter les taux longs, sur les marchés partout, comme dans les crédits bancaires à long terme, surtout en France et en Allemagne où ils sont très présents. On devrait ralentir.

0,5% de hausse de taux pour tous : ce serait l’idée politique. Cette rare rencontre, liée au hasard bien sûr, enverrait un message d’unité pour éviter le risque de récession, sinon d’éclatement financier, lié à la terrible succession actuelle de drames. L’inflation n’est jamais partout la même, moins encore les moyens pour la contrer. Aux États-Unis, les 740 milliards de dollars de l’Inflation Reduction Act sont destinés à aider les entreprises américaines à augmenter leur compétitivité : protectionnisme ? En Allemagne, 200 milliards d’euros devraient alléger la facture gazière : protectionnisme ? Partout, chacun se protège avec autant de milliards qu’il le peut, creusant de fait les écarts de situation avec ceux qui ont moins de moyens. Il faut donc ralentir les hausses de taux, si l’on veut un soutien politique unifié des régimes libéraux. Ils ont enfin compris qu’ils étaient tous dans le même viseur. On va ralentir : jamais, les banques centrales n’auront fait autant de politique !


Atlantico

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