Des emprunts publics à 100 ans et à taux nul pour payer la pandémie, surtout pas d’impôts

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Deux dangers nous menacent : le premier est celui de la pandémie, le deuxième est de le payer par l’impôt. C’est la meilleure façon de ne pas faire repartir l’économie et l’emploi, donc de payer deux fois !

Des emprunts publics à 100 ans et à taux nul pour payer la pandémie, surtout pas d’impôts

Le prix humain et financier de la pandémie ne cesse d’exploser. Il se chiffre en millions d’emplois perdus, 22 de fin mars au 11 avril aux seuls États-Unis, en trillions de dollars et d’euros de soutiens budgétaires et monétaires aux États-Unis et en zone euro. Ceci sans compter ce qui se passe dans les pays émergents qui n’exportent plus, ne reçoivent plus de touristes, voient fuir leurs dollars vers les États-Unis, lieu réputé le plus sûr. Bref une catastrophe.
 
Plus de 2 millions de personnes touchées et bientôt 150 000 morts, pourtant cette pandémie n’est pas une guerre : c’est pire. Elle n’a pas été voulue par une puissance contre une autre. Il n’est pas question de demander des « dommages » aux chauves-souris de Wuhan. Nous ne sommes plus au Traité de Versailles, où le prix trop élevé demandé à l’Allemagne y a davantage permis la montée du nazisme que la reprise économique et démocratique. Nous ne sommes pas en 1945, où les États-Unis étaient les seuls gagnants et les plus riches, ce qui leur avait permis de lancer et financer le Plan Marshall. C’était pour des raisons humaines et économiques certes, mais aussi dans leur intérêt bien compris : poursuivre leur croissance, en passant à une économie de reconstruction, et pour des raisons politiques : éviter l’extension du communisme en Europe de l’Ouest.
 
Aujourd’hui en effet, les économies s’effondrent, mais sans bombes. Les baisses prévues de PIB : -3% pour le monde, -6% pour les États-Unis, -7% pour la France et l’Allemagne, -9% pour l’Italie. On s’en doute, avec de tels chiffres, nous aurons des faillites, une explosion du chômage et des déficits budgétaires.
 
Pour en sortir, nous avons trois possibilités. La première est de « laisser faire les ajustements économiques », comme dans les premiers jours de 1929 : « plus ça baissera, plus vite ça remontera ! ». On voit que c’est impossible, car la baisse de l’offre entraine celle de la demande, dans une spirale sans fin. La deuxième est celle du soutien limité. C’est encourager les banques à faire des crédits et les États à accroître leurs déficits, mais en mesurant tout de très près. Tout le monde le saura, et l’économie remontera moins, bénéficiant aux plus solides et obsédée par le « qui paiera » ?
 
La troisième possibilité est de créer un compte budgétaire spécial dans chaque pays de la zone euro, où seront inscrites les dépenses liées à la pandémie et aux programmes de relance. Laisser augmenter les crédits et les déficits est la seule solution. Et à ceux qui demandent : « qui paiera » ? Il faut répondre : l’État et la BCE. Aujourd’hui, l’État finance une bonne part des salaires, décale les impôts et les charges et garantit des crédits aux entreprises. Il fera plus si nécessaire, en vérifiant que personne ne triche. Et demain ? Pour les entreprises et les ménages qui n’ont pu résister, les crédits perdus seront pris en charge par les banques et les États, sachant que la Banque Centrale Européenne est toujours là. Car après, quand il faudra financer la reprise, les stocks, les salaires et vendre en attendant d’encaisser, les banques devront être là.
 
Ce montant, disons 100 milliards pour la France, deviendra une dette centenaire à 0%, achetée par la BCE et portée dans ses livres. Ces milliards auront été audités par les experts de la BCE. L’emprunt sera vendu à la BCE avec en contrepartie un compte séquestre alimenté pour un milliard l’an, légèrement croissant pour obtenir 100 milliards in fine. Il pourra être prévu que ces sommes pourront être libérées en cas de guerre ou de catastrophe. Le cas de l’éclatement de la zone euro devant aussi être pris en compte.
 
Ce système a cinq avantages :

  • Il n’inquiète pas les agences de rating, puisque le compte séquestre est alimenté et surveillé,
  • Il éloigne le poids de la dette (debt overhang) qui pèse sur les ménages,
  • Il ne pousse pas les ménages à épargner davantage, ce qui exclut le risque de surépargne, qui pèserait encore plus sur la demande,
  • le taux à 0% est voisin de l’actuel. La BCE ne fait pas de perte et, de toute manière, la maximisation des profits n’est pas son objectif, mais la stabilisation financière,
  • Il évite un impôt, évidemment récessif dans les conditions actuelles.

 
L’impôt Coronavirus serait en effet une catastrophe supplémentaire. On entend, à gauche, qu’il est insensé de ne rien demander aux plus aisés (Valérie Rabaud). Mais ils ont perdu le quart de leurs actions, beaucoup de leurs PME sont au bord de la cessation de paiements, les loyers ne rentrent plus, donc la valeur des actifs baisse. Imposer plus, c’est faire baisser encore plus l’activité.
 
La variante de l’impôt sécheresse (R. Barre) serait moins fondée encore. La sécheresse était un « choc asymétrique » : les agriculteurs (petits et moyens) étaient touchés, pas les détenteurs de hauts revenus. Il y avait une base pour une solidarité nationale. Mais le virus touche tout le monde, tous les pays : le choc est « symétrique ». Bref, un impôt sur « les riches » qui le sont moins, certains voyant chuter leur situation, est un vol qui fait empirer la situation de tous. Un impôt catégoriel est moins rationnel encore.
 
Il ne s’agit donc pas d’un emprunt perpétuel, puisqu’il  a une logique d’amortissement et qu’il ne pourrait se placer à ce taux 0% sur le marché, ni d’un abandon de dette, ni pour la même raison et moins encore d’une monétisation du déficit.
 
Derrière le virus, il y a deux risques : la déflation et l’éclatement de la zone euro. Il faut savoir ce que l’on veut.


Atlantico

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