Crise du Covid : ce que la BCE pourrait faire pour sauver l’économie européenne (mais le fera-t-elle...?)

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La réunion de la Banque centrale européenne s'est déroulée ce jeudi. La BCE a maintenu ses mesures de soutien monétaire à l'économie, toujours inquiète du "risque sérieux" que fait peser sur la reprise la pandémie. Le statu quo sur la panoplie d'outils anti-crise a été privilégie. Le mois dernier, la BCE avait augmenté de 500 milliards d'euros son programme d'achat d'urgence face à la crise sanitaire.

Crise du Covid : ce que la BCE pourrait faire pour sauver l’économie européenne (mais le fera-t-elle...?)

© europarl.eurepa.eu

 

Atlantico.fr : La BCE s’est réunie hier. Vers quelle politique monétaire s’achemine-t-elle et est-ce assez ambitieux pour faire face à la crise que l’Europe connaît ?

Jean-Paul Betbeze : Quelle politique monétaire ? La même ! Assez ambitieux ? Non et elle le sait mais ne peut le dire ! Car elle doit en permanence repousser les limites de ses programmes, mais sans le dire, avec un horizon mouvant à 18 mois. C’est bien pourquoi, dans quelques mois, elle devra agir plus et plus longtemps, autrement dit acheter davantage encore de bons du trésor et d’obligations privées, soutenir encore les banques pour qu’elles fassent plus de crédits et maintenir très bas les taux des dépôts, pour que les épargnants consomment ou investissent plus. Mais, encore une fois, sa politique ne fait pas l’unanimité : les « pays du Nord », Pays-Bas et Danemark surtout, Allemagne actuellement moins, sont réservés vis-à-vis des « pays du Sud » qui ne sont pas « sérieux »  et sont aujourd’hui soutenus dans l’épreuve, peut-être trop selon eux.

Mais comment savoir si la BCE en fait trop ou pas assez ? Car « la » crise de l’Europe est actuellement un mélange explosif de crises : économique, financière, bancaire, budgétaire, géopolitique, industrielles, idéologique… aujourd’hui accentuées par le COVID-19. Le virus touche tout le monde, mais différemment, relativement moins les pays plus industrialisés (et plus riches) comme l’Allemagne et de front les pays de services, et de tourisme notamment (et moins riches) comme la Grèce, le Portugal et surtout l’Italie. C’est bien pourquoi la BCE avance autant qu’elle peut, soutenue par le programme décidé l’an dernier par les pays de la zone pour financer le rebond et surtout les réformes. Ce plan d’endettement commun et de transfert, une première, est un test, pour voir surtout comment les bénéficiaires nets, Italie d’abord, vont en profiter pour changer. Et si ce programme « marche », il sera suivi par d’autre – contrairement au einmal (une fois) dont a parlé Angela Merkel. Personne ne sait, en fait, comment faire face à cette crise protéiforme, et Christine Lagarde avance pas par pas, surveillée et respectant, autant que possible les règles. Reconnaissons-le, il ne s’agit pas seulement de milliards mais de changements profonds, largement sociaux.

 

Lors de la crise des dettes souveraines on avait reproché à la BCE de ne pas avoir pris la mesure de la situation et de ne pas en avoir fait suffisamment. Peut-elle éviter de réitérer son erreur ?

Jean-Paul Betbeze : Il faut toujours faire attention aux visionnaires rétrospectifs. Lors de la « crise des dettes souveraines » (soutiens bancaires à l’immobilier en Grèce, au Portugal puis en Espagne), la bulle immobilière était bien visible et voulait soutenir ces pays, inquiets par la crise américaine des subprimes, sachant qu’ils étaient (Portugal et Espagne surtout) dans les critères de déficit budgétaires de Maastricht. Pas facile ! Ils avaient économiquement tort, mais pas financièrement ! Ils l’ont (chèrement) payé, ont été aidés par la phrase magique de Mario Draghi en juin 2012 : whatever it takes. Sa crédibilité a évité la déroute espagnole et l’éclatement de la zone, mais n’a pas tout réparé, bien sûr. Tous les pays ont soutenu le sud, début d’une solidarité qui se manifeste aujourd’hui. Aujourd’hui, car on voit bien que tous les pays ont cette crise en tête et acceptent de franchir leurs anciens interdits, dans un contexte géopolitique mondial où ils sont désormais tous en péril. En réalité, il faudra réécrire Maastricht et compléter le Traité européen, mais plus tard. A more perfect union : c’est vrai pour tous !

 

Que peut faire de plus la BCE pour aider l’économie européenne à sortir de la crise ?

Jean-Paul Betbeze : Outre tout ce qu’elle fait actuellement : au fond seconder la politique budgétaire qui vient enfin à la rescousse au niveau européen, il s’agit de renforcer l’Union bancaire et l’Union de capitaux. Les banques européennes sont petites et fragiles dans le monde actuel, comparées à celles des États-Unis et de Chine. Il faudra qu’elles se concentrent, en Allemagne et en Italie et que naissent de vraies banques européennes. Mais le populisme et le nationalisme n’aident pas. Sans que la BCE le dise, son problème majeur est l’Italie, avec son déficit budgétaire et ses banques. Pour que l’Italie change, en fait « s’en sorte », il faut que réussisse le programme européen en cours pour elle, trois fois plus important au moins qu’en son temps fut le Plan Marshall. Est-ce que l’on en parle assez ?


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