Bercy : comment vous faire un cadeau qui ne coûte rien ?

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 Bercy : comment vous faire un cadeau qui ne coûte rien ?

Pressez-vous ! Pressons-nous ! Bercy fait un cadeau fiscal valable jusqu’au 30 juin 2021 : donnez jusqu’à 100 000 euros, en tout, aux membres de votre famille et ce sans droit de succession ! On comprend la double logique à l’œuvre. D’abord faire circuler plus vite l’argent entre générations, étant entendu que l’héritage a lieu de plus en plus tard, des parents retraités à leurs enfants qui le sont aussi ! A priori, ils n’en ont plus besoin pour partir dans la vie. Vient une deuxième raison, liée à la crise sanitaire. Elle a conduit à une surépargne liée au confinement, un peu par crainte, surtout par impossibilité de dépenser, en services de tourisme, d’hôtels et de cafés-restaurants notamment. La dégonfler permettra de vider les comptes, en banque surtout, et d’épargne, où viennent d’arriver 150 milliards d’euros, pour aider à faire repartir la machine.

100 000 euros ce devrait concerner beaucoup de monde… mais. Beaucoup de monde, car cet argent pourra aller aussi aux petits-enfants et arrière-petits-enfants et, pour ceux qui n’ont pas de descendance, aux neveux et nièces. Il s’agit de 100 000 euros au total et en  liquidités, pas d’actions ou d’obligations : c’est potentiellement beaucoup d’argent.

Mais pas de cadeaux aux riches ! On se souvient des réactions politiques aux mesures prises, en leur temps, par le Président Sarkozy : une avance sur héritage de 250 000 euros par chaque parent aux enfants et petits-enfants, soit 500 000 euros au total hors frais de donation, et tous les dix ans. Devant les réactions face à ce « cadeau aux riches », François Hollande fit passer à quinze ans l’intervalle. Ainsi, au lieu de trois donations nous passerions à deux ! Et avec 100 000 euros, on dira que c’est moins, indépendamment de meilleures raisons : faire repartir la machine, en transvasant des liquidités bancaires vers l’économie réelle. Ça devrait passer ! De fait, les spécialistes français en réduction des inégalités n’ont rien dit.

Mais pas d’effet d’aubaine ! L’effet d’aubaine, l’autre hantise de Bercy, c’est d’aider fiscalement, donc au détriment des ressources publiques, un ménage ou une entreprise à faire ce qu’il aurait fait, de toute façon ! Ce n’est pas « aider les riches », c’est « aider à agir ceux qui allaient agir » ! Bien sûr, on dira toujours que cet effet se mesure après coup : c’est parce que l’investissement ou l’embauche sont repartis qu’il ne fallait pas les aider, vous diront les experts rétrospectifs ! Mais comment savoir avant ? L’aide ne va-t-elle pas, au contraire, précipiter un mouvement qui va décider les meilleurs certes, puis entraîner les autres ? L’aubaine, invérifiable, n’amène-t-elle pas un mieux pour tous ? Qu’importe : il faut la tuer !

Comment chasser l’effet d’aubaine ? Facile : il faut réduire les bénéficiaires ! Comment : par les conditions, jusqu’à ne plus trouver personne ! Ainsi, pour bénéficier de ces 100 000 euros hors frais de donation, il faut :

  • soit financer une résidence principale neuve. Ceci consiste à aider à financer la construction de la résidence principale. « Construction », donc pas à aider à acheter une maison déjà construite, ni aider à celle en cours de construction (en État Futur d’Achèvement). Du neuf, dit Bercy !
  • soit financer les travaux de rénovation énergétique du logement dont le donataire est propriétaire et qu’il affecte à son habitation principale. Il se donne à lui, ce qui réduit son patrimoine successoral, pour plus tard ! Fallait le trouver.
  • soit participer au financement d’une entreprise. Mais attention, cette entreprise « aura moins de 50 salariés », précise Maître Hélène Cathou, notaire à Rennes et membre du Groupe Monassier (Les Échos du 14 mai). Son chiffre d’affaires annuel ou le total de son bilan annuel ne doit pas excéder 10 millions d’euros, elle doit avoir au moins cinq ans, ne pas avoir distribué de bénéfices et sa direction doit être assurée par le donataire pendant trois ans au moins. C’est ce qui est, ici, le plus délicieux. Alors que Bercy répète qu’il manque 50 milliards d’euros de fonds propres aux entreprises, que les entreprises françaises sont trop petites et qu’il craint la multiplication des « zombies », ces entreprises qui ne gagnent pas d’argent, voilà des mesures pour financer des TPE zombies dirigées par un patron dont on peut douter du talent.

Mais, avec ces règles pour ne donner à personne, comment expliquer notre déficit ? Facile : donner à ceux qui reçoivent déjà !