5 leçons économiques du Covid-19

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Alors que les vaccinations ne sont pas achevées, donc que les mutations du virus vont se poursuivre. Nous devons vivre en nous adaptant, en innovant et en essayant surtout de tirer des leçons de ce drame mondial.

5 leçons économiques du Covid-19

 

1 – Nous devons améliorer nos systèmes d’information. Nous ne pouvons plus avancer sans des systèmes plus efficaces de suivi des données sanitaires, militaires, financières et économiques des pays du monde, grands ou petits, libéraux ou non, paradis fiscaux ou non. Les risques qui nous entourent sont individuellement croissants (corruption, intolérance, racisme…) et de plus en plus combinés, ce qui est pire. Or, il nous a fallu des mois avant de savoir ce qui se passait à Wuhan et de comprendre la logique de ce virus, pourtant vite séquencé. Et pourtant, nous sommes abreuvés d’informations plus ou moins vraies, de commentaires de chaînes en continu sur les manœuvres, rumeurs et on dits, sans compter les propos de boudoirs du moindre politique, et nous ne savons toujours pas de quelle chauve-souris chinoise vient ce virus, d’un marché ou d’un laboratoire !

2 – C’est le croisement des informations qui fait sens, leurs contradictions, pas leur fréquence. Nous avons trop une culture boursière des événements, avec la montée des bulles, jusqu’à leur éclatement. Or l’information cachée, celle qui sera déterminante et provoquera l’emballement, ne se mesure pas au début par son importance quantitative. On ne la voit pas, à moins qu’on ne veuille la cacher. Il faut investir dans la recherche des signaux faibles et dans les techniques qui permettront de les recouper et de les faire interagir. Chercheurs, entrepreneurs, experts, intelligence artificielle, espions : tout est bon !

3 – Ce qui s’est passé à l’OMS, sans qu’on en tire jusqu’à présent les leçons, est la pire illustration de ce qu’impliquent les incertitudes médicales et scientifiques, les rapports de force et les peurs des « responsables ». Le 23 janvier 2020, analysant ce qui se passait depuis des mois (combien ?) à Wuhan, l’OMS écrivait que la menace était « modérée ». Mais il fallait lire : « élevée » ! L’Organisation admet en effet avoir fait une « erreur de formulation ». « Nous l’avons corrigée », explique à l’AFP une porte-parole, qui ajoute : « cela ne veut absolument pas dire que nous avons changé notre évaluation du risque, mais cette erreur s’est glissée » ! Et là n’est pas encore le plus préoccupant. En effet, après avoir discuté, les membres du Comité d’urgence du Règlement Sanitaire ‎International (RSI) de l’OMS analysent « la flambée » du nouveau coronavirus (nommé à l’époque : 2019-nCoV), en prenant en compte différents paramètres, « mais pour ne pas conclure à une USPPI, une Urgence de Santé Publique de Portée Internationale. Pourquoi ? « Compte tenu de son caractère restrictif et binaire » ! Mais, par nature, une urgence sanitaire est restrictive. Elle restreint les mouvements de population, sinon les empêche, pour freiner la propagation. A fortiori si l’urgence est mondiale. Par nature, elle est surtout binaire : il y a urgence ou pas ! Une USPPI, selon l’OMS elle-même, «s’entend d’un événement extraordinaire dont il est déterminé qu’il constitue un risque pour la santé publique dans d’autres États en raison du risque international de propagation de maladies et qu’il peut requérir une action internationale coordonnée». On comprend les difficultés qu’il y a à formuler un diagnostic qui sera, par construction, restrictif, binaire et mondial ! C’est même à cela que sert  l’OMS : une structure indépendante pour aider à soigner, puis à guérir en prévenant, au plus tôt, de façon claire !

Le 30 janvier 2020, l’OMS révise son jugement : il s’agit d’une USPPI ! Donc : « les pays doivent prêter une attention particulière à la réduction de l’infection chez l’homme, à la prévention de la transmission secondaire et de la propagation internationale, et s’attacher à contribuer à la riposte internationale ». Mais, « le Comité (d’urgence) a reconnu que, d’une manière générale, les faits ont montré que la restriction de la circulation des personnes et des biens pendant les urgences de santé publique peut être inefficace et peut détourner des ressources d’autres interventions. En outre, les restrictions peuvent interrompre l’aide et l’appui technique nécessaires, perturber les entreprises et avoir des effets négatifs sur l’économie des pays touchés » ! On a compris que les restrictions restreignent.

4 – Ce qui s’est passé avec l’OMS montre que nous devons améliorer notre culture du risque extrême. Tous les risques et toutes les crises ne se ressemblent pas, comme les secousses sismiques. En économie, le FMI a dénombré 150 crises bancaires et financières depuis 1970, trois par an, celles des grands pays étant évidemment plus dangereuses. Heureusement : que serait-ce si on n’alertait pas et surtout ne prenait pas plus de précautions, avec plus de tests de chocs et plus de fonds propres (et de dettes) pour les amortir ? Les « prophètes de malheur » annoncent en permanence des récessions ou des krachs. Ils peuvent nous énerver, mais que l’on ne se plaigne pas, en même temps, des contraintes qu’imposent les régulateurs ! Ceci entretient une culture de l’attention et de la vigilance qui n’est pas malsaine, pour des risques moyens.

Mais cette crise sanitaire est autre chose. Elle fait partie des cygnes noirs, « signes » de crises très rares et très graves, vis-à-vis desquelles il est très difficile de se prémunir, si on est fragile et pas préparé. A quoi ressemblera la crue centennale de la Seine, qu’on nous promet chaque année ? Quels barrages nous faut-il déjà préparer, avec quels investissements ? Comment se préparer au pire ?

5 – Parler de résilience ne suffit pas, s’il s’agit de résister aux chocs extrêmes. Il faut nous renforcer dans ce monde plus interconnecté et réactif, pas nous habituer à pâtir ! La vraie résilience, c’est le capital humain. C’est plus d’expertise pour mieux comprendre ce qui se passe. Avec une très forte polarisation des richesses, un vol de cygnes noirs nous menace désormais : économiques et financiers, religieux et sociaux, politiques et militaires.

Donc, ne plus dire, comme l’OMS, ce Coronavirus serait une « épidémie grave et de portée internationale, mais… » ! L’OMS et autres ne devront plus être victimes du « syndrome de la fausse alerte », attentatoire à leur crédibilité, compte-tenu des conséquences négatives (sociales, économiques, financières…) d’une erreur. Crier au loup trop souvent est à éviter, envoyer des messages flous et contradictoires n’est pas mieux ! Le syndrome « de la crainte du diagnostic » est plus grave encore. Ne s’agit-il pas de la peur d’irriter le puissant voisin chinois ou de porter des coups aux transporteurs aériens et au tourisme ? On voit ce qui se passe aujourd’hui, quand on n’ose pas analyser et décider.

« Faire du bien, ou au moins ne pas faire de mal », disait Hippocrate. Dans leur serment, les médecins français disent : « J’informerai les patients des décisions envisagées, de leurs raisons et de leurs conséquences » et juste avant « même sous la contrainte, je ne ferai pas usage de mes connaissances contre les lois de l’humanité ». Heureux Docteurs, qui les connaissent ! En fait, l’erreur est moins grave qu’hésiter devant le diagnostic : la crédibilité vient plus du courage de décider que de la peur de se tromper, qu’il s’agisse de votre médecin, de l’OMS ou de tout ce qui bouillonne autour de nous. Il ne s’agit pas de plaire aux électeurs, mais de tuer les cygnes noirs qui volent en cercle, sur nos têtes.


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