SNCF, Intermittents… Manuel Valls est-il en train de rater ? On peut se poser la question au vu de ses dernières actions, des réactions des syndicats et des enquêtes sur le moral des consommateurs et des patrons.
Manuel Valls sait ce qu’il doit faire. Il l’a dit à l’Assemblée : réduire la dépense publique, accélérer la croissance privée. Réduire la dépense publique, c’est diminuer les déficits. Seule solution possible puisqu’on voit bien à quel point l’impôt a déjà tué l’impôt. Accélérer la croissance privée, c’est soutenir l’emploi qui viendra de la reprise des entreprises, plus compenser l’effet négatif qu’exercent sur la croissance les économies de dépenses publiques. Il faut donc aller encore plus vite dans le privé.
Manuel Valls sait que c’est compliqué et qu’il faut des messages cohérents pour aligner les anticipations de tous. Il faut expliquer et convaincre que ce sont les réformes privées et publiques qui, ensemble, sont la solution – et aller vite en besogne. On connaît les réformes privées à faire : flexibilité du marché du travail, seuils sociaux à relever, simplification et sécurisation de la vie des entreprises, plus les réductions fiscales promises. On connaît les réformes publiques à mener : modernisation et numérisation des activités, regroupements de villes et régions, formation, mobilité et réaffectation des personnels, réduction des embauches. Tout le monde sait qu’il faudra attendre pour voir le résultat et qu’il y aura avant des tensions fortes. On le voit déjà.
Mais des messages en sens inverse nous viennent des politiques, Manuel Valls en premier. Peut-être ne veut-il pas prendre trop de risque sur la demande et trop braquer les syndicats qui ont compris ce que « réduction de la dépense publique veut dire », mais il brouille la vision d’ensemble.
Ainsi, depuis quelques jours, on entend parler de quatre « gestes ». Le premier va vers les bas salaires privés – en réduisant les charges sur les salariés. Un deuxième concerne les « petites retraites » – en réduisant les cotisations et un troisième les « bas salaires publics » – en réduisant les charges salariales et sociales. Quatrième geste, il s’agit de nouvelles baisses d’impôts pour réduire le nombre de « petits imposables ».
Les millions de dépenses publiques en plus s’ajoutent désormais aux millions de recettes publiques en moins. La trajectoire de réduction du budget n’est plus tracée– au moment même où la Cour des Comptes cherche les 14,6 milliards d’impôts prévus sur 2013 et qui manquent à l’appel.
C’est alors qu’il est question de réduire le nombre de régions, « pour diminuer les dépenses ». Mais c’est oublier l’essentiel : supprimer des régions n’a de sens que s’il permet un supplément de croissance venant de régions plus orientées vers l’entreprise. Regrouper les régions est ainsi d’autant plus efficace qu’on les dirige vers les frontières et façades maritimes, pour exporter et « se frotter » aux autres, autour de métropoles.
Le risque est de mécontenter tout le monde et de s’éloigner de la trajectoire budgétaire annoncée. Les marchés financiers regardent, sans gentillesse particulière. Les Français s’interrogent et râlent d’autant plus qu’ils voient que le pouvoir est faible. Les ménages s’inquiètent et doutent. Les patrons se demandent s’ils ne doivent pas revoir à la baisse leurs programmes d’investissement et d’embauche. Les syndicats se lancent dans des luttes d’influence interne au sein de leurs entreprises pour freiner ou bloquer les réformes.
En politique économique, le slalom est perdant pour tous – surtout face aux enjeux et risques actuels. Brouiller les pistes, temporiser ou amadouer, c’est égarer tout le monde. L’exercice Valls était bien parti, aujourd’hui les interrogations montent, l’économie risque de s’arrêter. Il faut se ressaisir très vite en étant clair, constant, courageux. Slalomer, c’est perdre.