Macron, gardez-vous à droite (et de son pognon) !

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Impossible d’avoir raté cette note secrète envoyée au Président Macron, paraît-il à sa demande, et écrite par trois économistes qui le conseillent depuis le début (Philippe Aghion, Philippe Martin et Jean Pisani-Ferry) : elle était partout.

 Macron, gardez-vous à droite (et de son pognon) !

L’idée centrale en est que « le thème de la lutte contre les inégalités d’accès, qui était constitutif de l’identité du candidat (Macron, bien sûr), est occulté… Beaucoup de soutiens du candidat expriment la crainte d’un recentrage à droite motivé par la tentation d’occuper le terrain politique laissé en friche par un parti Les Républicains en crise ». Chaque mot est pesé. Ainsi, le thème de la lutte contre les inégalités d’accès serait « occulté », pas abandonné bien sûr. Il ne s’agit pas du risque d’aller à droite, mais « d’un recentrage à droite ». L’occupation du terrain à droite affaiblirait toute alliance avec l’extrême droite, mais elle est politiquement (et moralement) risquée. Il faut donc continuer à « libérer », mais aussi à « protéger », pour aller vers un modèle scandinave, pas anglo-saxon, Macron.

Alors : Macron, gardez-vous à droite ? On aura reconnu la moitié de ce que disait le jeune Philippe, 14 ans, à son père Jean II. Il était entouré d’Anglais à la bataille de Poitiers, c’était le 19 septembre 1356. « Père, gardez-vous à droite ! Père, gardez-vous à gauche ! » Las, Jean II fut battu et dut se rendre au Prince Noir (fils aîné d’Edouard III). Tenu prisonnier en Angleterre, il est libéré trois ans et demi plus tard contre (forte) rançon, plus la remise en otages de ses deuxième et troisième fils et de son frère. En ces temps-là, il fallait se garder… de perdre.

Alors : Macron, taxez à droite ? S’agit-il d’une politique plus « classique » : rééquilibrer cette CSG augmentée des retraités, qui pèse tant, en différant la suppression de la taxe d’habitation des 20% les plus aisés (elle obèrerait l’équilibre futur des comptes publics) ? « Mieux » encore, faudrait-il rendre « progressive » la taxe foncière et taxer davantage les successions importantes… puisque, c’est connu, « les enfants des innovateurs sont souvent des rentiers » ? Bref, pour enlever cette étiquette de « Président des riches », il faut les faire payer.

Mais alors, Macron pourrait infléchir sa ligne. Ce serait le début… de la baisse de son originalité, de sa fin. Car le monde change, donc il faut lui répondre en changeant. Ce monde est celui de la révolution mondiale de l’information et de la communication, avec des groupes qui naissent en peu d’années, conquièrent le monde, amassent des fortunes pour leurs dirigeants, actionnaires, salariés, le solde ne payant pas d’impôt. Ce n’est pas en taxant plus les « riches » qui restent ici qu’on fera naître des Apple ou des Waze ! Etre une start-up nation n’est pas notre évidente destinée. Ceci demande une longue explication, surtout une vraie préparation. Car c’est parce que la France décroche dans les rangs mondiaux de la formation scientifique qu’elle perd pied dans la concurrence mondiale, augmente son chômage structurel, creuse ses déficits budgétaire et commercial. Faire la révolution sociale, c’est d’abord mener et réussir celle de la technologie, pour tous.

Macron, gardez-vous des inégalités, ou plutôt de la baisse des « capabilités » des Français, pour reprendre le concept fondamental du Nobel Amartya Sen ? La « société de compétences », la « finalité transformatrice » n’ont de sens qu’avec une « ambition émancipatrice ». Il ne s’agit pas d’opposer les aides aux personnes (« gauche ») aux aides aux entreprises (« droite »), autrement dit de retomber dans notre débat permanent, « dépassé ». Il s’agit de mieux former à ce monde qui bouge dans l’école, dans l’apprentissage, et en permanence dans l’entreprise. Il s’agit de renforcer les TPE et PME par l’échange interne et les réseaux et plus encore par le débat, notamment grâce à l’actionnariat salarié. Il s’agit aussi de moderniser les structures publiques, pour qu’elles deviennent plus efficaces. Alors elles seront moins chères, mais parce que les compétences auront monté, avec plus de simplifications à la clef.

Macron, gardez-vous (aussi) à gauche ! Gardez-vous des sondages et des dosages ! Enfin, gardez-vous de dire « on met un pognon de dingue dans les minima sociaux et les gens ne s’en sortent pas » ! Dites, dans votre langue qu’on connaît : « la solution n’est pas de dépenser plus… mais de responsabiliser les gens » ! Macron, gardez-vous de vous !