Macron + cohabitation : le nouveau rêve français ?

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« Eviter le pire » ou changer ? C’était la question officielle au deuxième tour de la Présidentielle, ce 7 mai 2017. A moins que ce n’ait été : « éviter le pire »… pour ne pas changer ? Comment comprendre ce qui s’est passé, et surtout pourrait se passer ?

 Macron + cohabitation : le nouveau rêve français ?

Illustration : Claude TRUONG-NGOC (CC BY-SA 3.0)

 

Certes, les Français ne veulent pas de Marine Le Pen. Mais pourquoi : craintes de la rupture, de la violence, de l’isolement ou de l’inconnu ? Veulent-ils pour autant les efforts et les formations, le risque et la flexibilité pour s’adapter à ce monde nouveau, plus ouvert, plus agile, plus exigeant que propose Emmanuel Macron ? Ce vote est-il le désir de changer pour réussir, avec ses risques et ses exigences, ou bien d’obtenir un autre délai de cinq ans, histoire de repousser encore les efforts – avec les dangers de ce nouveau retard ?

« Les urnes ont parlé », mais ce qu’elles disent n’est pas clair. Les Français ont exprimé un ou plusieurs rejets, pas forcément leur choix stratégique. Emmanuel Macron a gagné contre Marine Le Pen. Il a eu 20,7 millions de voix le 7 mai 2017 (contre 8,7 au premier tour). Mais 12,1 millions de Français se sont abstenus, 10,6 millions ont voté pour Madame Le Pen (contre 7,7 au premier tour), 3 millions ont voté blanc et 1,1 million de votes ont été jugés nuls. Aux pro-Macron se sont joints les anti-Le Pen de toutes formes : cette conjonction est le problème.

Pas de blanc-seing : pas de page blanche avec notre signature (seing) en bas ! Le mot va faire fureur pour les législatives des 11 et 18 juin. On dira qu’il ne faut pas donner tout pouvoir à ce jeune homme. Les anciens partis vont tenter de se reconstruire, Républicains et Socialistes, pour être des appuis critiques, mûrs et constructifs bien sûr. Les extrêmes vont vouloir avancer pour en découdre. Quels débats ! Mais où est l’essentiel ?

Ecoutons l’ « électeur médian » de la théorie économique, celui qui a autant d’électeurs à sa droite qu’à sa gauche. C’est lui qui fait l’élection, conduisant les programmes vers le centre. Il n’aime pas les hausses d’impôts générales, type CSG, mais accepte celles sur les plus hauts revenus. Il refuse les réformes qu’il juge trop violentes, notamment la fameuse « inversion des normes » de la loi El Khomri, mais accepte que l’état lui paye sa taxe d’habitation. Il se prétend sage : il refuse les « thérapies de choc ». Ce n’est pas avec lui que la croissance va beaucoup monter, la flexibilité beaucoup s’accroître ou la fiscalité beaucoup baisser, avec d’importantes économies publiques à la clef. C’est plutôt avec lui que le déficit et la dette vont monter, toute la question étant d’en modérer la progression.

Mais la loi El Kohmri et la zone euro vont forcer cet électeur médian à se dévoiler. Est-ce qu’il veut, ou non, que les décisions se prennent plus au niveau de l’entreprise ou, comme maintenant, au niveau de la branche ? Est-ce qu’il veut que ce soient les logiques globales, venant des grandes et anciennes entreprises, qui dictent les relations sociales des petites et surtout des nouvelles ? Est-ce qu’il veut que la France entre dans un programme de modernisation de ses structures publiques, en réduisant ainsi ses coûts, donc les impôts ? Est-ce qu’il veut que cette réduction du déficit public, avec la baisse du nombre de fonctionnaires, accompagne la simplification administrative ?

On l’a compris : cet électeur médian est prudent, car soucieux de ses « avantages acquis ». Il n’est pas hostile aux hausses des impôts et de la dette, si elles sont modestes bien sûr. Pro-européen quand ça l’arrangeait, il devient critique quand les efforts se rapprochent. Mais il ne pourra continuer : la croissance de nos voisins implique ici des changements, en même temps que les nouvelles technologies nous offrent des solutions.

Nul ne demande à l’électeur médian d’être héroïque, stratège ou altruiste. Il pense seulement à lui dans ses choix, choix qui font la majorité électorale. Il faut donc discuter avec lui pour qu’il sache où son rêve, la cohabitation pour éviter les vrais choix de réforme, le mène et nous mène – donc travailler à le faire changer. Avec lui en effet, « au milieu » politique ne se tient pas « la vertu », mais les dépenses payées plutôt par les autres, l’impôt plus la dette quand l’impôt ne suffit pas. Macron + cohabitation = des réformes proposées par Macron puis rabotées par la Chambre = un quinquennat tranquille de plus pour l’électeur médian d’aujourd’hui = son rêve, notre cauchemar.