Nous ne sommes plus surpris des progrès des communications avec l’au-delà. Cette fois, c’est Emmanuel Macron qui contacte Charles Maurice, Prince de Talleyrand-Périgord, où il conseille Dieu.
Emmanuel Macron : Monsieur le Ministre, j’ai grand besoin de vous : je n’ai pas de majorité solide, dans ce parti fragile que j’ai créé. Contre moi les conservateurs se renforcent, mais ils se divisent sur la manière de l’être plus encore. En face, les révolutionnaires veulent faire de même, certains piaffent d’autre moins, cela seul les distingue. Mais tous sont d’accord pour me rendre responsable de tout ce qui ne va pas ici-bas, et attendent mon départ, dans cinquante mois.
Charles Maurice de Talleyrand-Périgord : Ministre, merci de ce titre inusité pour moi, je n’y suis pas accoutumé, Majesté.
E M : Merci, et une précision, moi c’est : Président.
CM T-P : Président, voilà qui est tout aussi nouveau pour moi. Donc vous êtes un Président qui vous plaignez de l’être trop peu, comme les rois et empereurs de mon temps ?
E M : C’est ainsi, je le crains, que finissent les régimes, en tout cas les démocraties qui ne sont pas qu’un régime, mais une civilisation, d’où mon appel.
CM T-P : Vous ne pouvez donc pas, Monsieur le Président, les chasser, les condamner, les empêcher définitivement de vous nuire, ceux qui freinent votre empire sur tous – si je puis dire ?
E M : Vous pouvez le dire, mais je ne puis le faire.
CM T-P : Pas de dague des Médicis, de poudre des Borgia, de cachot à vie ?
E M : Non rien de cela de notre temps : comme on peut me critiquer sans risque, et en percevoir même des revenus, le nombre de courageux ne cesse de monter.
CM T-P : Pas de cassette et de billets pour assouplir les consciences, pas de promotions pour faire grandir ceux qui se courbent, pas de justice pour bâillonner les journalistes irrespectueux ?
E M : Pas de cassette : tout est surveillé et transparent. Pas beaucoup de promotions : elles sont limitées, doivent être justifiées, sans être grasses. Et la justice ne m’obéit pas : elle est indépendante.
CM T-P : Indépendante : plaisant adjectif et, dans les faits, de qui est-elle dépendante ?
E M : D’elle, de ses réseaux !
CM T-P : Et vous dites Présider un pays qui, d’après mes informations ici, n’est pas sûr de bien se chauffer ni de s’éclairer, si l’hiver est rude, sans parler d’une guerre menée par un successeur des tsars qui entend reconstruire son empire, appuyé par le Grand vizir de l’empire ottoman et le Schah de l’empire perse qui, tous deux, veulent recouvrer leurs gloires passées. Qu’allez-vous donc dire et faire, dans ce temps qui me rappelle la fin de Napoléon ?
E M : Dire ? J’ai bien envie de vous citer, quand vous assuriez que « la parole a été donnée à l’homme pour dissimuler sa pensée », mais je crains fort de n’avoir pas de pensée qui aille ! Faire ? Les responsables de mon parti sont immatures, les oppositions ne songent qu’à agiter le peuple avant de s’en servir, dans l’incapacité elles aussi de trouver des solutions.
CM T-P : Vous savez, Monsieur le Président, que l’on ne croit qu’en ceux qui croient en eux : votre doute vous est mortel.
E M : Je sens, Monsieur le Ministre, une critique dans ce propos. De fait, j’ai de moins en moins de croyances et de certitude. Chaque fois que je m’exprime, il est clair que je ne puis tout, loin s’en faut. D’ailleurs, je dis que tout est « multilatéral ».
CM T-P : Rien n’a changé : en politique, il n’y a pas de convictions, il n’y a que des circonstances.
E M : Mais je ne puis dire cela !
CM T-P : Qui vous le demande ? Quand votre prédécesseur, le Général de Gaulle disait « qu’il se faisait une certaine idée de la France », personne ne lui a demandé ce qu’il entendait par là. Parlez moins de vos projets, faites que vos opposants précisent les leurs. L’esprit sert à tout, mais ne mène à rien : ne montrez pas que vous savez. Vos sujets, ou vos électeurs, en seront vexés et jaloux. Partagez vos opinions, pas vos déductions. Dans votre temps où le pouvoir vacille, montrez que ce qui est, fera ce qui sera, avec des gestes barrière et des comportements sobres, pour occuper le parterre.
E M : Mais ceci fera rire et j’ai peu de temps !
CM T-P : Les autres moins : pour votre succession, ils vont se battre.
E M : Donc il faut que j’exagère les risques actuels et montre la nécessité de dures solutions ?
CM T-P : Dramatisez !
E M : Merci Monsieur le Ministre, je prends cela comme un encouragement.
CM T-P : Si vous y tenez, Monsieur le Président.