LFI, RN comme PCF et RPF : une loi de « chute des corps » pour les partis ?

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 LFI, RN comme PCF et RPF : une loi de « chute des corps » pour les partis ?

En 2024, deux partis captent l’attention médiatique, LFI (La France Insoumise) et RN (Rassemblement National), sans être au pouvoir, au contraire du PCF et du RPF d’après-guerre. Auront-ils le même destin ? Le PCF n’est plus que l’ombre de lui-même, alors qu’il était le premier parti de France en 1945, un peu devant le MRP pro-gaulliste, suivi du RPF gaulliste, devenu lui aussi l’ombre de lui-même. Aujourd’hui, LFI exacerbe les positions à gauche, au moins autant que le PCF en son temps, face au RN, qui les polarise à droite et à l’extrême droite, bien plus que le RPF — avec les groupes macronistes au centre. Que vont-ils devenir face aux problèmes en cours, entre crise des finances publiques et tensions géopolitiques mondiales, sachant qu’aucun ne participe aux affaires ? Nous ne sommes donc plus en 45, ce bref intervalle où la reconstruction du pays était l’objectif de tous. C’était avant que ne revienne « le régime des partis », donc que de Gaulle ne s’éloigne…

Depuis 45, l’histoire politique française est celle des glissades des grands partis d’alors, sans compter les morts des petits et des groupuscules. Elle transcrit les changements sociaux et  économiques majeurs que nous avons vécus. La classe ouvrière a presque disparu, l’industrie ne pesant plus que 13% des emplois en 2018 et la construction 7%, l’agriculture en occupant seulement 2,5%. En Allemagne, son industrie tant vantée n’occupe que 20,6% des emplois. C’est le tertiaire qui domine avec 76% des emplois, ici comme partout en Europe. Cette tertiarisation ne suffit cependant pas à expliquer ce qui se passe ici en politique : le tertiaire est plus hétérogène que jamais. Il regroupe des qualifications et des salaires très divers, dont une partie vient de l’industrie. Cette dernière a en effet tertiarisé nombre de ses activités, que ce soit en organisation, conseil, formation, droit, comptabilité, informatique :10% des emplois, avec nombre de cadres. Ajoutons la montée des fonctionnaires : 10% des emplois là-aussi.

Politiquement, cette tertiarisation et cette fonctionnarisation se retrouvent, très déformées, au Parlement. Sur les 577 députés actuels, 12 viennent de l’agriculture, 60 de l’industrie et des entreprises, 133 sont cadres, et 247 appartiennent à la fonction publique. Nous n’avons plus la « République des professeurs » de la Troisième, plus le Parlement des notables des années 30, ou la « République des barbus » de 1981. Nous avons plutôt celle des fonctionnaires : élus, ils ont plus de revenus (et de travail) ; battus, ils retrouveront leur poste. Leur risque est modéré, mais celui de s’éloigner des réalités est grand.

En fait, cet éloignement est institutionnalisé par la loi de non-cumul des mandats qui entérine les morts du député-maire ou du sénateur-maire qui fusionnaient élu au Parlement et élu local. L’idée de cette loi organique était que les élus devaient être présents à la Chambre ou au Sénat, pour éviter ces hémicycles vides que montrait la télévision. C’en est donc fini de la chambre de 2012, avec 247 maires et 32 adjoints au maire ! Les députés sont à Paris, moins là où ils ont été élus. Les voilà plus près des partis, plus loin des réalités. Et du peuple ?

Cet écart se paye quand la révolution des technologies avance et qu’il faut la comprendre, quand il faut adapter les organisations, avec les formations qui s’imposent, quand il faut que les lois et normes changent, et toujours maintenir les liens sociaux. La proximité serait reine, pour suivre la concurrence et réagir avec les mesures appropriées. De plus en plus, il faut qu’informations et idées remontent : difficile si l’on est loin, n’explique pas et ne convainc pas bien.

D’où viennent donc LFI et RN ? De deux appauvrissements : celui des banlieues pour les jeunes, qui quittent le PCF des parents pour aller à LFI et celui des employés et fonctionnaires qui passent de PCF et PS à centre et, trop souvent, RN. Ils sont rejoints par les paysans et petits patrons venus du RPR. Contre eux, Michel Barnier aura-t-il l’argent pour augmenter les bas revenus, sachant que les Français veulent plus d’impôts, mais chez les autres ? Surtout, aura-t-il plus de temps et d’argent pour aider à (re)former un parti du centre droit, et susciter un centre gauche, les deux représentant la nouvelle classe moyenne ? La « chute des corps » frappe-t-elle les partis d’après-guerre, quand elle revient ? Le temps presse.