Continuer les succès de la bourse américaine, toujours à ses plus hauts, avec Les Sept Magnifiques, The Magnificent Seven? Bien sûr, ce n’est pas du film de 2016 d’Antoine Fuqua qu’il s’agit, pas non plus de celui de 1960 de John Sturges, plus connu en français sous le titre « Les sept mercenaires ». Et, moins encore, ce n’est pas l’original japonais d’Akira Kurosawa, « Les sept mercenaires » de 1954, qui est en cause.
Nous ne sommes plus dans le Japon médiéval ou dans le Far West. Nous voici dans un lieu tout aussi guerrier, celui de la bourse américaine. Seul le titre du film a été repris. Les combats demeurent, chiffrés cette fois. Ce ne sont plus 7 samouraïs qui obéissent plus à un code d’honneur qu’à l’appât du gain. Ce ne sont plus des valeurs chevaleresques, mais boursières. Elles ont battu les 500 autres du même indice, cotées à New York. Certains experts disent même qu’elles pourraient continuer leur marche. Pour cela, il faut les acheter et surtout les garder. La richesse est à portée : il suffit de suivre leurs recommandations. La sélection des meilleures s’est faite au cours des luttes passées : l’arme du moment, c’est la patience.
Ces 7 magnifiques sont : Alphabet (Google) qui vaut 1860 milliards de dollars, Amazon 1810, Apple 2850, Meta 1240, Microsoft 3050, NVIDIA 2000 et enfin le turbulent Tesla, pour 620. La valeur de ces titres est beaucoup montée ces cinq dernières années jusqu’à fin 2023 : 80% pour Amazon, 1100% pour NVIDIA, en passant par 340% pour Apple. Ici, ces samouraïs boursiers sont mondialement connus et recherchés, avec pour chacun une histoire et des chefs au bord de la légende. Nous ne sommes donc pas du tout dans le combat japonais d’une lutte qui restera obscure de grands et pauvres guerriers contre des bandits attaquant des paysans désarmés.
On pourrait se dire que ce sont les dividendes qui attirent les investisseurs, mais rien ne serait plus faux. En effet, ces 7 titres rapportent moins de 0,5% : ce n’est pas le gain divisé entre les actionnaires qui importe, mais le prix payé par ceux qui achèteront l’action, sa valeur future. Ce n’est pas le dividende qui sort de l’entreprise et qui l’affaiblit, mais la plus-value de l’argent qui y reste et qui attire. D’ailleurs Amazon, Alphabet et Tesla ne versent rien, Meta vient de rejoindre les autres avec une obole symbolique : ½ dollar. C’est la plus-value potentielle qui importe, « plus-value » grâce aux nouveaux acheteurs qui feront monter le titre, « potentielle » parce qu’ils le garderont.
Ce n’est pas la première fois que la bourse invite à parier sur ceux qui ont longtemps gagné. Les années 1960-1970 avaient vu naître les Nifty Fifty, « les Cinquante Pimpantes » décrites comme des actions « une décision » : acheter. Mais, parmi ces Cinquante, Xerox et Polaroid ont disparu, nombre ont déçu, surtout les plus chères comme toujours : « les arbres ne montent pas au ciel ». Une crise boursière est toujours possible, comme en 1973-1974, avec une baisse de 60%. Aujourd’hui, les chéris ont changé. Avec les « Cinquante pimpantes », il s’agissait de technologie (la grande IBM à l’époque), de distribution (le grand Wall Mart du temps) et de santé (Merck, encore).
Les 7 d’aujourd’hui vont-ils rester ? D’abord, ils sont 7 et pas 50 : la concentration fait sentir ses effets. La technologie révolutionne, sélectionne et entraîne les quelques survivants, derrière. La santé est toujours là, plus dépendante que jamais des progrès de l’information pour établir les diagnostics, pour trouver et mettre au point les médicaments. La distribution est chamboulée par les sites informatiques où l’on choisit et paye immédiatement, ainsi que par les livraisons à domicile, informatisées elles aussi. Quant à la révolution de l’information, généralisée après celles de la vapeur et de l’électricité, bien malin qui pourra prédire le succès du Métavers et ce que deviendront l’ordinateur ou le bureau ! ChatGPT a ouvert une brèche dans le tissu productif, élargie par ces générations qui lui succèdent. Ces 7 avancent, au cœur des tensions mondiales qui se répandent, économiques, géopolitiques ou militaires.
Le passé nous raconte la même histoire d’émulation pour devenir riche, en convainquant les autres de nous suivre. Il nous avertit des risques des valeurs chères, dans ce monde hypersensible. Surtout, quels seront les nouveaux samouraïs de l’Occident ? Ce serait bien de savoir, pour gagner. Quoi et contre qui ?