Les nouvelles locos de la croissance mondiale

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Méconnaissable, cette gare de la croissance mondiale. La loco Chine ne croîtra plus à 10 % comme avant, même plus à 7 %, tirant une bonne partie du monde derrière elle. La raison ? Elle va moins exporter vers les Etats-Unis et l’Europe. La loco Allemagne ne croîtra plus à 4 %, tirant elle aussi une bonne partie du monde. La raison ? Elle va moins exporter vers les Etats-Unis et la Chine. De leur côté, les Etats-Unis ne croîtront plus à 4 %, eux qui importaient tant de Chine et d’Allemagne, quitte à payer plus tard. Le monde va aller moins vite, avec une moindre progression des échanges internationaux. Mais, aujourd’hui, on s’inquiète : personne ne sait comment il va avancer et quelles secousses. Alors : pire ou mieux ?

 Les nouvelles locos de la croissance mondiale

Eh oui, la loco chinoise ralentit : elle ne pleut plus continuer comme avant. La Chine, au lieu de croître par l’export, veut avancer en satisfaisant plus sa demande interne, ce qui voudra dire en augmentant les salaires dans les services. Ce changement la fera croître moins, mais plus régulièrement. Elle générera moins de pollution, moins de surinvestissement et répondra mieux aux besoins d’une population vieillissante. Mieux !

Eh oui, la loco allemande ralentit : elle vit les risques d’une croissance trop exportatrice quand les marchés fléchissent, outre l’effet Volkswagen. Elle aussi va devoir mieux satisfaire sa demande interne, donc augmenter les salaires dans les services. Ce changement la fera croître moins, mais plus régulièrement. Elle sera moins tributaire de la Chine et de l’Asie et pourra s’occuper plus de ses habitants et de ses voisins. Ceci sans oublier le drame des migrants, coûteux dans l’immédiat, mais peut être bénéfique à terme pour une population, ici aussi, vieillissante et décroissante. Mieux !

Eh oui, les Etats-Unis vont devoir, à leur tour, se soucier de leur déficit budgétaire et du plafond de leur dette, au moment où ils trouveront moins d’acheteurs pour leurs bons du trésor. Ceci impliquera chez eux des changements profonds, économiques et sociaux. Ils rencontreront bien sûr des risques d’adaptation. Mais ils sont quand même les plus avancés, dans cette « nouvelle économie » qui nous entoure. Mieux !

Eh oui, la croissance mondiale ne sera plus comme avant, liée à quelques grosses locomotives. Elle sera plus compliquée à concevoir, donc à calculer. La croissance des importations va fléchir en volume, mais elles seront plus précises. Celle des exportations va ralentir, mais elles seront plus affutées. Le « consommateur en dernier instance » américain, les « usines du monde » chinoise et allemande, les « fermes du monde » brésilienne et allemande vont ralentir et se spécialiser. C’est la différence qui fera la différence. Mieux !

Eh alors, allons-nous vers une crise mondiale ? Pas vraiment. Avant, « trop de consommation américaine » face à « pas assez de consommation chinoise ou allemande » ou « trop d’épargne chinoise et allemande » face à « trop peu d’épargne américaine » nous inquiétait. L’évolution en cours réduit ces déséquilibres. Mieux donc !

Eh donc, « chercher la grosse locomotive » est une façon dépassée de réfléchir et de prévoir, dans le public et dans le privé. La croissance mondiale se reconstruit. Le monde va avancer et échanger, bien sûr, mais en affinant ses spécialisations, pour mieux coller aux demandes de chacun. Il ne va plus opposer de grands blocs, ces « grandes spécialisations » qui faisaient de grands déséquilibres. Il va faire apparaître les choix de clients « branchés ». Ils seront mieux informés, plus avertis, plus étroitement suivis et sollicités. Il ne s’agira donc plus d’être moins cher – mais de répondre mieux aux souhaits, ni même d’innover à tout crin – si l’apport n’est pas évident. Mieux !

Et la France dans tout ça ? D’abord, il faudra faire plus attention, dans ce monde qui réduit ses déséquilibres, à la réduction des deux nôtres – déficit budgétaire et déficit extérieur. Les temps qui viennent seront plus exigeants : c’est bien. Ensuite, l’énorme avantage de cette thérapie obligatoire, c’est qu’elle utilise les mêmes médicaments pour réduire les deux déséquilibres. La réduction du déficit budgétaire passe par la modernisation de la gestion publique. La culture de l’efficacité doit s’accélérer dans le privé. Bien mieux, si on comprend les enjeux : tout dépendra de nous !

Pour prévoir la croissance mondiale, il va falloir fabriquer et suivre les locomotives spécialisées et adaptables qui arrivent. Elles vont nous mener plus loin !