Les « droits acquis » à maintenir

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Le deuxième tour approche. Nous serons bientôt entourés des promesses de ceux qui restent en lice, plus des souvenirs des autres, avec l’idée des « acquis sociaux » à endiguer ou renforcer, selon la position de chacun. Or rien n’est jamais acquis en économie et en finance. Ce n’est pas le passé qui est déterminant mais le futur, incertain.

 Les « droits acquis » à maintenir

Toute avancée de l’entreprise peut être remise en cause par une innovation chez un concurrent ou par son regroupement avec un autre. Même chose d’une économie à une autre. Tout est instable, rien n’est prévisible. Seule une série de succès peut forger une avancée, car elle renforce l’entreprise ou l’économie. Elle permet d’accumuler des ressources, d’accroître la confiance dans l’entreprise et dans la suite des revenus qu’elle pourra verser. La vie de la firme dans la durée alimente la fidélité des équipes, conforte la confiance des salariés, des actionnaires et des citoyens, au niveau national. Aucun droit ne peut être « acquis » s’il ne peut continuer à l’être. Les règles, normes, lois et décrets renforcent alors l’intangibilité de l’avancée et forment ces « droits ».

L’économie fait un peu penser à un train à crémaillère. Il monte, péniblement parfois, les pentes, mais avec un système de roues dentées qui empêche toute reculade, sauf accident de l’entreprise, sauf brusque changement électoral du pays. On connaît la longue liste des « droits acquis », en matière sociale notamment : l’égalité homme-femme, le Smic et sa double indexation au prix et au salaire horaire, le Livret A à l’inflation, les 35 heures ou l’âge de départ en retraite attachés à la loi. Ils permettent de former, dans l’économie et dans l’esprit de tous une tendance, une voie. Elle sera la base d’achats de biens durables, d’investissements, de crédits, de croissance. « L’acquis » permet d’acquérir.

Chacun de ces « droits », de ces jalons, s’ajoute aux autres, pourvu qu’il ne mette pas en cause la solidité de l’ensemble, mais au contraire la renforce. Tous sont ensuite surveillés et pourront être revus, toujours sous fortes pressions. Chaque cran s’use dans l’économie. D’un côté, il est raboté par l’inflation, la concurrence et les nouveaux comportements des consommateurs. D’un autre côté, les entreprises et les salariés avancent et innovent. Alors, les réponses des entreprises en cas d’acquis jugés trop importants seront le recours à des intérims, à des contrats courts. Ce sera moins d’embauche, si les hausses de coûts ne peuvent être répercutées. Symétriquement, les salariés tenteront d’avancer, peu à peu ou par saccades, les entreprises y poussant ou le permettant, en fonction de leurs succès.

Des batailles sérieuses ont lieu, comme maintenant, quand il s’agit d’augmentations importantes de salaires ou d’allocations chômage, de diminuer la durée du travail ou le nombre de trimestres pour la retraite. Symétriquement, on parlera d’impôts à augmenter, les droits ne pouvant être « acquis » que s’ils sont financés, bien sûr.

Il faut alors chiffrer les programmes, donc découvrir l’incertitude. Nous y sommes. Les « droits », les rémunérations promises aux salariés n’ont de sens que si l’entreprise peut s’en acquitter et continuer à croître, l’État se mettant, plus ou moins, en position d’arbitre.

Parler de « droits acquis » passe à côté de l’essentiel : la capacité des entreprises non seulement à les honorer dans la durée, mais plus encore à se développer dans la concurrence. Tout revient au coût complet d’une heure de travail, à comparer à celui d’une autre heure travaillée ailleurs, dans une entreprise ou une économie concurrente. C’est là que le profit revient, à la fois pour résister, c’est un minimum, et plus encore pour s’étendre. Les « vrais droits acquis » doivent donc comprendre un coussin d’assurance, pour faire face à des aléas « moyens », plus une provision, pour permettre une expansion.

Entendu ainsi, le partage de la valeur ajoutée s’oppose à la lutte marxienne qui veut affaiblir la classe possédante. Surtout, il ne  prend pas en compte le fait que cet « acquis » dépend de la solidité du « social ». S’il s’agit de la société au sens large et dans la durée, nous entrons dans une société bienvenue de discussions et d’accords plus que d’oppositions, de normes et d’adaptations plus que de manifestations. Le tout en un temps de risques majeurs pour l’économie mondiale, avec une Europe menacée et une France très endettée et peu rentable.

Droit mal acquis ne profite jamais.