Les 3 miracles de Mario Draghi, en attendant l’autre

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Tout va-t-il mieux dans la zone euro depuis une semaine, ou bien la crise va-t-elle fondre sur nous ? Chaque mois on se demande ce qui va nous arriver, avec la récession de la zone euro, la crise en Espagne qui ne s’arrête pas, puis celle de Chypre, puis la Slovénie, puis les tensions en Italie, en attendant la France qui s’affaiblit. Et rien ne vient, au contraire.

Chaque fois, les marchés financiers annoncent la fin de l’euro. Et chaque fois un miracle se produit, on en compte 3 depuis deux ans. Plus qu’il n’en faut pour être sanctifié ! Car derrière, il y a toujours Mario Draghi. L’histoire commence avec une première phrase en 2011 : the euro is irreversible. Prononcée par les politiques, reprise en boucle depuis, notamment par Mario Draghi, elle figure au-dessus de toutes les têtes. C’est la voute protectrice de toutes nos pensées, celle qui forge nos anticipations de croissance. L’histoire continue avec un deuxième miracle, et là Mario est seul. Nous sommes le 26 juillet 2012, en pleine crise financière espagnole. Mario Draghi annonce que la Banque Centrale Européenne fera whatever it takes, within (its) mandate. Sans bien plus de précision. Depuis, les marchés ont arrêté de désespérer de l’Espagne et lui font confiance, même si elle n’a pas officiellement demandé le soutien de ses partenaires ! Elle a ainsi la baisse des taux sans la contrainte politique de la demande (le beurre et l’argent du beurre) ! Même chose pour l’Italie.

Le troisième miracle s’est produit le 2 mai, quand Mario Draghi qui a annoncé une baisse de 25 points de base, une baisse que tout le monde attendait et jugeait insuffisante, mais a ajouté : we stand ready to act if needed. La déception est devenue attente !

De fait, la récession est là et les baisses de taux n’ont pas vraiment d’effet sur les conditions de crédit aux PME. La courroie de transmission de la politique monétaire paraît sinon cassée, du moins étrangement relâchée. Pour s’expliquer, Mario Draghi montre que les dépôts reviennent dans les banques. Il annonce qu’il va continuer à financer les banques pour qu’elles prêtent aux PME sans s’inquiéter de leur liquidité – il sera là, donc elle sera là. Mais prêter aux banques est une chose, les forcer à prêter aux PME en est une autre, d’autant que les PME ne semblent pas vraiment demander de crédit ! Tout le monde est en effet plus inquiet.

Alors, baisser encore les taux… jusqu’à des dépôts négatifs des banques à la banque centrale pour qu’elles fassent vraiment des crédits moins chers aux PME ? Ou bien, plutôt , collecter les crédits faits aux PME par les banques, les faire évaluer et les faire acheter par des opérateurs de marché ou la Banque européenne d’investissement, quitte à lui faire des financements ! Personne (le patron de la Buba et des politiciens allemands) ne pourra alors dire que la BCE finance les Etats. Mais on pourra toujours dire qu’elle prend plus de risque. Voilà pourquoi elle attend, et Mario avec. Elle attend que la situation se détériore et qu’on lui demande d’être le sapeur-pompier, celui qui va aider les PME et la reprise privée, tandis que les réformes demandées par la Commission (et l’Allemagne) pourront vraiment se mettre en place. Car on sait que les réformes sont toujours négatives à court terme pour la croissance… donc qu’il faut l’aider à repartir, pour que les réformes aient lieu.

Au fond, laisser un peu plus la bride sur le cou à la BCE pour qu’elle finance les banques qui financeront les PME, puis vendront ces crédits à des investisseurs éventuellement soutenus par la BCE, est la seule façon de permettre aux Etats de faire des réformes, puisqu’ils verront qu’un peu de reprise est revenue. Pas direct bien sûr, mais c’est bien le miracle qui nous manque ! Attendons encore.