LE PROFESSEUR RAOULT REÇU PAR FREUD

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 LE PROFESSEUR RAOULT REÇU PAR FREUD

Vienne, la nuit.

Professeur Raoult (PR) : Mille mercis, Docteur, de me recevoir si tard. Je suis un chercheur français, au milieu d’une pandémie sans pareille. Je crois avoir trouvé une solution médicale, mais suis entouré de collègues qui me traitent d’escroc et de Français qui viennent, par trains entiers, chercher ma formule miracle !
Docteur Freud (Dr F) : Oui, je sais ce qui se passe chez vous, comme partout d’ailleurs. L’ombre de Thanatos est là : la peur de la mort rend fou ! Mais Thanatos n’est pas seul, jamais. La foule doit toujours trouver des explications à sa peur, pour en tuer « la » source. C’est le bouc émissaire de la Bible, à abattre. Il faut déplacer la frustration sur une cible. C’est la Chine, le capitalisme mondialisé, la finance, les riches qui doivent payer, c’est l’Europe, Macron. Il faut du sang !

PR : Du sang !
Dr F : C’est une image : il faut tuer le bouc. Il faut que la Chine paye ou tombe, que les entreprises et les banques payent, que les États payent, que Macron paye. Il faut saigner les capitalistes, interdire les dividendes, pressurer les riches, et l’ISF doit revenir, même s’il apporterait seulement un milliard avec l’effondrement des bourses, quand l’État en dépensera au moins cinquante de plus ! Il faut trouver ce bouc, l’identifier, le convaincre de sa faute, le tuer, et on respire ! C’est la catharsis, comme je dis, la purge des passions, des peurs, par la violence ! J’ai beaucoup réfléchi là-dessus, et l’ai vu de près ! Je vous comprends !

PR : Mais qu’est-ce que je fais là-dedans, avec mon mélange à administrer en hôpital ? Pourquoi cette jalousie et cette attente ? Je ne suis ni le diable, ni le messie !
Dr F : Vous oubliez l’envie. Vous êtes la solution pour ceux qui viennent à Marseille : vous voyez que, même de loin, je regarde comment mes théories « marchent » ! Vos longs cheveux mi-Christ, mi-Hippie attirent. Vous êtes à part, vu comme courageux, isolé. Donc, pour « les autres », vous êtes l’ennemi. Ils n’ont pas trouvé votre mélange, donc n’y croient pas, veulent votre échec et votre mort médiatique ! Ça les calmera, au moins eux !

PR : C’est horrible ! Je suis un savant, pas forcément modeste, mais je veux aider !
Dr F : Tout est possible. Mais s’il on va vers 200 000 morts aux États-Unis et 10 000 en France, ce sont des chiffres que je lance pour figurer l’ampleur du désastre, il faudra des exutoires. Si vous réussissez, ce que je vous souhaite, vous êtes un héros. Nouveau Moïse, vous menez le peuple des malades et des inquiets en Terre Sûre. Sinon tant pis pour vous. Et ça ne suffira pas !

PR : Mais les foules ne sont pas folles ! Il n’y a que la science pour sauver, les recherches, les tests, les publications scientifiques. On ne brûle plus les sorcières !
Dr F : Tiens donc ! Vous oubliez les gens qui frappent à votre porte, s’ils sont déçus. Vous oubliez ces politiques qui disent que c’est la faute des riches d’avoir construit des usines loin de tout, en nous laissant ici sans masques, sans matériel pour endormir ou ventiler, parce que c’était moins cher ! Vous oubliez la guerre entre Chine et États-Unis, entre Xi et Trump !

PR : Je sais que je suis peu payé, qu’on travaille dans de mauvaises conditions, et encore je suis plutôt bien traité où je suis. C’est bien d’être une vedette en province ! Mais je ne suis pour rien dans tout ça !
Dr F : Mais c’est Trump qui a parlé de votre chloroquine et vous a mis en lumière mondiale ! Vous avez aimé, avant d’en mesurer le danger ! Avant, vos publications n’étaient pas connues, sauf de vos collègues.

PR : Envieux. Donc me voilà « solution », les milliards d’euros et de dollars en déficit budgétaire et crédits sont des soins palliatifs !
Dr F : Palliatifs : Grand(s) Dieu(x) non ! Ils atténuent la douleur et permettront de repartir. Mais ce virus est mondial, pas comme le SRAS chinois de 2003. Il a déjà tué plus. Il est pire que la grippe mexicaine ou l’Ebola congolais !

PR : La pandémie ne peut être battue que par un médicament, puis par un vaccin ! Et il faudra des mois pour le vaccin !
Dr F : C’est pourquoi vous êtes aujourd’hui « la » solution. Le monde est malade et menacé. Les politiques et leurs milliards n’ont d’intérêt que si votre formule marche.

PR : Autrement il faudra encore des mois, la crise sera terrible, les hommes vont se battre et j’aurai été immolé avant !
Dr F : Oui, et alors ? Pardonnez-moi d’être brutal : nous sommes tous deux Docteurs !

PR : Oui, mais vous, vous soignez en parlant !