Commençons par décrire le champ de bataille.
Récession : 6% de PIB perdus en France si le confinement dure deux mois, selon l’Insee. En même temps, l’agence de notation Moody’s met « sous surveillance négative » le secteur bancaire français. Les dégradations effectives suivront dans un mois. L’agence s’explique : « L’ampleur et la croissance des bouleversements économiques et commerciaux déclenchés par la pandémie vont accroître la pression sur l’environnement opérationnel et la performance des banques françaises ». C’est évident et les secteurs bancaires belge, danois, néerlandais, italien et espagnols sont mis aussi sous surveillance négative. Bientôt, on aura des idées précises sur ce que « coûte un mois de quarantaine en PIB perdu » ailleurs. Les premiers calculs sur l’Italie donnent aussi : -3% par mois. Bientôt, on verra ce que ceci implique pour le chômage et les prix.
Chômage : les États-Unis, comme toujours, sont plus réactifs. Les prévisions des entrepreneurs plongent : ils réduisent leurs effectifs. 3,28 millions de personnes s’inscrivent au chômage le 21 mars, contre 200 000 avant la pandémie, dépassant le « record » antérieur de 695 000, en octobre 1982. Ce ne serait que le début : 14 millions d’emplois seraient menacés dans les mois qui viennent. Les licenciements touchent surtout les services : hôtels, restaurants, divertissements et loisirs, transports, entrepôts…
Déflation : les prix futurs sont partout annoncés en baisse, pour essayer de vendre plus, de liquider les stocks. Les primes vont bientôt être sous pression, puis les salaires, en commençant par les plus élevés. La baisse des prix est une spirale baissière : elle entraîne la baisse des profits, suivie de nouvelles baisses de prix, avec leur lot de faillites et de chômage.
Des milliards : sans limite. Il faut éviter l’effondrement. Tout dépendra des crédits bancaires de trésorerie, avec des garanties publiques, car il faut enlever le risque de cessation de paiement de l’esprit de chacun. Autrement, on garde ses liquidités, paye les autres plus tard et injurie au téléphone ceux qui font de même ! Des milliards de crédits sans limites : les banques centrales sont là ! En plus, des milliards d’euros et de dollars votés comme aides budgétaires arrivent, que les banques centrales vont acheter en partie. Mais, même les deux trillions de dollars votés ne suffiront pas : il faudra davantage. En France le déficit va grimper, la dette avec, plus encore en Italie. Donc il faut ici aussi de l’entraide, pour sauver la zone euro en franchissant les « limites d’avant le COVID-19 ». De la coopération donc, pour des raisons morales bien sûr, mais pour des raisons économiques et politiques aussi.
Quelles sont ces « deux guerres » ?
La première est une guerre de confinement, modèle Ligne Maginot. Le vainqueur sera celui qui reste le mieux chez lui, pour mieux en sortir après. Elle se mène en France et en zone euro. Pour résister au virus, les européens enfermés, vont devoir accepter d’en payer le prix : -3% de PIB par mois, limites accrues des déficits budgétaires et pas pour les crédits. Ce prix est élevé : déficit budgétaire, soutiens monétaires d’un côté pour « rester chez soi» deux mois, avec des risques sanitaires (nombre de malades et de morts), économiques (faillites) et sociaux (chômage) que l’on espère borner. Une « meilleure remontée », humaine et économique, serait alors possible, décalée. Le quatrième trimestre sera juge : nombre de malades stabilisé sans explosion du chômage ?
La deuxième est une guerre de sorties des tranchées, Chine contre États-Unis, sans être sûr que le virus soit éradiqué. Il s’agit, pour chacun, d’éviter le risque économique et financier d’un trop long confinement. Le prix est élevé : déficit budgétaire et soutiens monétaires pour « rester un peu confiné » plus celui pour faire redémarrer l’économie. Il limiterait les faillites et le chômage, mais « le risque humain » est énorme, en cas de résurgence du virus. Est-il sûr que le confinement de 55 millions de personnes à Wuhan vaille, pour 1400 millions de Chinois ? Est-il sûr que limiter le confinement américain à un mois, et pas partout, suffise ? Le quatrième trimestre sera juge, mais l’épicentre passe aux États-Unis, 104 000 cas, contre 82 000 en Chine.
« Le remède ne doit pas être pire que le mal » dit Trump. Attendre ou sortir de la tranchée, morts ou chômeurs, victoire chinoise ou américaine, Trump réélu ou Biden ? « Nouvel entre deux guerres » ? Non, pareil.