Le jeu de la Chine et des États-Unis

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 Le jeu de la Chine et des États-Unis

C’est la version moderne, devenue mondiale, du jeu du chat et de la souris. Dans le rôle du chat, on trouve les États-Unis, toujours gros, mais moins souples dans la défense de leur territoire. Dans celui de la souris, voilà la Chine, plus replète et audacieuse que jamais, et qui pense peser autant que les États-Unis si elle poursuit sa croissance pendant dix ans, avant de les dépasser. Les deux compères se connaissent, se regardent et se parlent.

États-Unis : Chine, mon but est simple : je veux rester tranquille chez moi et leader d’un monde que je puis ruiner avec mon dollar et anéantir avec mes bombes.

Chine : États-Unis, moi aussi c’est simple : je veux recouvrer les terres de mon empire. Le Tibet c’est fait, Hong Kong aussi, les Ouïgours, c’est en cours, Taïwan est une question de temps et retrouver Vladivostok sera l’issue d’un marchandage avec la Russie, qui me doit beaucoup.

É-U : Mais alors, pourquoi ne pas rester chacun chez soi, après avoir mis en place un catalogue de comportements qui nous iraient, avec des lignes rouges à ne pas franchir et un système pour gérer nos conflits ?

C : Moi ça m’irait, mais on doit se chamailler pour tenir tous les autres. Ce n’est pas une question d’hubris, mais de cantonnement de tous ces excités qui sont derrière chacun de nous.

É-U : Je comprends que la Russie veuille se battre dehors pour réduire les insatisfactions qui montent chez elle, c’est bien à cela que sert la guerre externe. Pareil pour la Corée du nord, mais ceci n’est pas vrai pour le Royaume-Uni, pour la France et même pour nous !

C : Soyons sérieux, je ne peux tenir mes millions d’hommes, sous la férule de mon parti, que si je leur donne de la croissance et de l’espace. C’est bien pourquoi je prends des risques énormes en finançant des voies ferrées, des routes et des ports dans les pays émergents. Avec mes routes de la soie, je suis dans 149 états et 32 organisations internationales. Économiquement, j’ai le meilleur réseau de transport du monde pour vendre et pour rapatrier des terres rares et des produits agricoles. Et politiquement, j’ai la majorité à l’ONU : on l’a vu avec l’Ukraine, où mon amie la Russie n’a pas été condamnée.

É-U : Soyons sérieux à mon tour : je dois m’étendre, parce que mes sociétés doivent s’étendre. Mes routes de la soie sont partout, pour produire et vendre, pour faire rire, chanter et danser. Je suis un soft power.

C : Pas toujours : au Japon ou au Vietnam, vous avez montré quelque dureté.

É-U : Bien sûr, aucun pouvoir n’est doux. J’ai toujours tenté de rendre le mien aimable, ce qui n’est pas votre cas.

C : Oui, le communisme n’est plus aussi aimable qu’avant et d’ailleurs je m’en soucie moins que mes prédécesseurs. Ce qui m’importe, dans la période actuelle où les gens sont de plus en plus inquiets, avec le dérèglement climatique et le Covid 19, c’est de montrer que la stabilité que j’offre est plus efficace que l’instabilité de ce que vous nommez : liberté. Avec tout ce qui se passe avec vos votes permanents sur tout, de plus en plus violents et dont les résultats sont maintenant toujours contestés, vous avez un problème.

É-U : Ce n’est pas le vôtre, je l’admets. L’instabilité est le pendant de la liberté, pour tout, armes comprises. Mais il faut qu’on trouve une manière de gérer nos rapports. Vous avec vos routes de la soie et votre bulle immobilière pour soutenir la croissance, moi avec les expansions de mes entreprises et mes cryptomonnaies, nous prenons trop de risques !

C : Mais c’est vous qui montez vos taux d’intérêt pour faire baisser votre inflation et plongez les pays émergents dans des difficultés, tandis que moi je baisse mes taux pour soutenir la demande et les banques, et dois faire baisser le yuan !

É-U : A chacun ses bulles, mais si nous continuons ce jeu, nous allons tous exploser !

C : Ce que je note, c’est la montée de vos tensions politiques. Chez nous, il y a un seul candidat, tout se prépare avant, et cette façon de faire se répand, depuis chez nous, en Russie et dans l’ancienne URSS, en Turquie, en Iran et en Afrique. Et je note tous les découpages que vous faites, la réduction du nombre de bureaux de vote, tout cela pour que les blancs des campagnes et des petites villes continuent de peser.

É-U : C’est un problème que vous n’avez pas !

: Sérieusement, il faut que nous trouvions une solution.

É-U : Oui, comme aucun d’entre nous ne veut changer, le mieux est de trouver un pays pour se faire les dents.

C : L’Europe ?

É-U : OK !