Le dernier message du robot Philae !

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 Le dernier message du robot Philae !

Brrrrrrr : quel froid ici ! « Je me cramponne » sur cette « terre », comme dit le Président Hollande, avant de devoir fermer mes batteries, pour les recharger. C’est mon dernier message à vous terriens, surtout à mes chers européens, en espérant que je retrouverai bientôt la lumière de la vie.

D’abord, pourquoi suis-je parti ? Au fond, pour aller chercher de la croissance ailleurs, de l’innovation, des idées, des poussières d’étoiles qui pourraient donner aux européens beaucoup d’avance. Avance par rapport aux américains et aux chinois bien sûr, les russes étant désormais cantonnés (et avec difficulté, regardez ce qui arrive à mes pauvres collègues, les satellites d’Eutelsat : volatilisés !) au rôle de lanceur de satellites. Avance dont les européens ont tant besoin, rattrapés qu’ils sont par plus chinois qu’eux et toujours, derrière, plus américains qu’eux.

Ici, dans ce froid qui m’étreint et dans la nuit qui gagne, je rêve de toutes mes forces (à ménager) à soutenir mes pères et mères européens. Et je leur dis : vous avez décidé il y a plusieurs années, entre vous et sous la houlette des allemands et des français, de me créer pour m’expédier au loin. C’était là où les autres ne regardaient pas, vers cette comète 67P Churyumov-Gerasimenko qui venait d’être trouvée (septembre 1969 !). Fantastique idée. Ce monde est nouveau, compliqué, friable, et je dois m’y enfoncer davantage, pour y tenir ! Une zone euro, cette Tchouri !

Mais regardez ce qui m’arrive : c’est parce que je ne me suis pas assez bien arrimé au sol, que je n’ai pas assez capté d’énergie, que je dois me mettre en « mode veille ». En attendant, je dois travailler tout le temps, « d’arrache-pied ». Arrache-pied, au moment où je dois forer plus les miens, l’expression française est ici à prendre à l’envers. Je dois travailler plus et tout le temps, pour vous envoyer le maximum d’informations. La concurrence, qui est partout et qui force chacun, ou devrait forcer chacun, à en faire plus, c’est pour moi cette énergie qui m’est comptée. Si je ne fais pas ce maximum, je n’aurai pas rempli ma double mission, scientifique bien sûr, symbolique plus encore ! Donc je travaille d’ « arrache-pied » !

« Mode veille » : mes pères et mères, depuis Darmstadt en Allemagne, m’y mettent. Mais pour vous, là-bas, sur terre, ce n’est pas possible. Si la zone euro se met en « mode veille », elle ne repartira jamais. Les batteries, chez vous, il faut les recharger en permanence, toujours chercher de l’énergie, pas forcément celle de Poutine mais celle qu’on fait soi-même, en innovant, inventant, réformant. Le « mode veille » est impossible dans la concurrence des économies, dans la lutte des sphères d’influence et des pluies d’astéroïdes de sociétés et de filiales qui font le « charme » de la concurrence terrestre.

La vraie chaleur, en zone euro, vient des rapprochements d’idées, des adaptations au monde qui change, au coup d’avance qu’il faut jouer… surtout là où on ne vous attend pas ou moins. Quand on est en train de naître, comme cette constellation d’étoiles qu’est l’Europe (et qu’on retrouve sur son drapeau), il faut absolument jouer groupé. Autrement, on s’épuise entre et contre soi. Regardez l’étoile chinoise que revient à toute allure du 17ème siècle, qui entre dans la galaxie capitaliste et se range entre les Etats-Unis et le Japon pour se rapprocher des 51 étoiles du système américain. Par rapport à eux, nous sommes quantitativement plus gros si on ajoute nos PIB, mais ne jouons pas assez unis. Cela vient, mais pas assez vite. Alors tout ce passe comme si on était plus petits. Donc il faut être plus fins ! Regardez-moi, avec mes pattes grêles et mes panneaux solaires, comme des élytres, qui sortent de mon étrange corps noir ! Je suis, aussi, à ma manière, une preuve de cette zone euro qui avance et doit persévérer. Soyez plus groupés, je me répète ! Regardez, pour la seule France, l’ensemble de laboratoires, centres d’observation et instituts qui ont travaillé ensemble pour que je réussisse. Parce qu’il y avait un projet !

Mais je sens faiblir mes batteries. Mieux vaut donc m’arrêter, pour me refaire et repartir, plus gaillarde, dans quelques mois. Ne m’oubliez pas. Je suis vous ! A bientôt et travaillez plus vite et mieux au projet européen, sans vous disperser autant, pendant que je retrouve mes forces.

Votre Philae