Le COVID-19 est devenu un virus politique : il alimente la pandémie illibérale. Ainsi, les tensions accrues entre États-Unis et Chine ne viennent plus seulement des croissances comparées des PIB, de vols de brevets ou de hackings imputés aux services secrets chinois, de ce qui se passe à Hong-Kong et, pire, chez les Ouighours, mais du COVID-19 lui-même. La pandémie, c’est 130 millions de cas et 3 millions de morts dans le monde, 96 000 décès en France, 5ème pays en termes absolus par le nombre. Jusqu’où le virus va-t-il aller ? Quand va-t-il cesser d’ébranler nos croyances dans la médecine, après les religions, les économistes, les météorologues et, bien sûr, les politiques ? Jusqu’où vont monter les luttes entre communautés et entre pays ?
Qui croire ? A quel drapeau s’accrocher ? A quels idéaux s’attacher ? Qui et quoi respecter, hors la force ? On peut comprendre ces questions : la légitimité qui fonde tout État est de protéger ses citoyens de la violence, à l’intérieur et à l’extérieur, et plus encore des maladies, pour améliorer leur état de santé, prolonger leur espérance de vie, à plus forte raison les empêcher de mourir. Qu’en est-il aujourd’hui, où le virus galope, les vaccins manquent, les annonces des autorités sont immédiatement contredites par d’autres, anéantissant toute crédibilité ? Voilà qui ne pousse pas à leur obéir, ce qui les pousse, elles, à être plus sévères, voire répressives.
Bien sûr, si chacun respectait les règles d’hygiène et de distance, nous n’en serions pas là. Si chacun répétait : « ma liberté s’arrête où commence celle d’autrui », la cavale du virus aurait été bien réduite. Mais tel n’est pas le cas : le virus profite de nos « comportements », sans le savoir. En continuant, il s’attaque à ce que nous nommons : « nos libertés », sans le savoir !
Certains l’ont compris. Xi Jinping parle moins de Mao, pratiquement plus de Marx et crée partout des Instituts Confucius, notamment en Afrique. Sa pensée est que la démocratie libérale usurpe son nom, faute d’assurer le souhait premier du peuple : la stabilité. Vladimir Poutine ne parle plus de l’autre Vladimir, Lénine, moins encore de Marx, mais d’ordre et de religion. Il répète qu’il est démocratiquement élu, sa pensée profonde étant, comme Xi Jinping, que les peuples veulent la stabilité. C’est la base de leur vraie liberté, bien différente des chocs et incertitudes qu’amènent les rivalités électorales, qui sont un leurre. Démocratie formelle, comme disait Marx quand il critiquait la bourgeoisie qui déguisait ainsi sa dictature, contre démocratie réelle ? Ou plutôt : le COVID-19 ne pousse-t-il pas Xi et Poutine à avouer le culte de la stabilité… de leur pouvoir ? Illibéral si l’on veut mais efficace, notamment pour les pays pauvres ?
En face, Joe Biden parle de démocratie, de droit de vote, de transparence : daté ? Ici, Emmanuel Macron parle de multilatéralisme. Mais affirmer que plus de pouvoirs interviennent dans ce monde ne coûte rien, si on ne dit pas ce que nous deviendrons par rapport à eux, donc ce que nous devons faire. Or c’est ce qui importe. D’autant qu’aux États-Unis tout est fait pour vacciner plus, quitte à empêcher d’exporter des doses et tout est fait aussi pour faire vite repartir la machine économique, avec l’emploi, avec les élections au Congrès en ligne de mire, quitte à exporter la hausse des taux d’intérêt à long terme. Tant pis pour l’Europe et les pays pauvres ! Une Europe qui, de son côté, n’a pas montré avec les vaccins, les immigrés, les impôts des GAFA ou contre les menaces américaines de sanctions aux entreprises européennes qui commerceraient avec l’Iran, beaucoup d’unité, de courage et de résultat. Elle se veut « puissance » et cherche à définir une « autonomie stratégique », mais sans que l’on perçoive chez elle des objectifs et une structure de commandement clairs.
Le COVID-19 décape. Il révèle les rapports de force et d’efficacité dans ce monde plus complexe, au-delà des concepts et des bons sentiments. Il pousse aujourd’hui à l’autocratie, pour trancher le nœud gordien. En face les démocraties doivent donc s’unir, mais pour agir toujours plus vite. Autrement, on retrouvera Henry Kissinger et sa fameuse question : « « l’Europe, quel numéro ? ». Elle devient : « pour les vaccins, qui j’appelle ? ». Puis : « en cas de guerre, qui je joins ? ». Le virus ne répondra pas bien sûr, mais au moins il fait nous interroger. Merci à lui. Pour cela, seulement !