Le chant du cycle

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Notre cycle économique va-t-il disparaître ? Cette respiration du monde capitaliste, avec son expansion, sa surchauffe, sa récession et sa reprise a-t-elle fini de rythmer notre vie, en matière de croissance, d’emploi et de marché boursier, sans oublier la politique ? Comment allons-nous respirer demain ?

 Le chant du cycle

Regardons ce qui se passe aux Etats-Unis. Ils ont presque 2% de croissance, plus 4 ni 3%, comme auparavant. Et cela fait pourtant huit ans qu’ils sont sortis de la Grande récession ! Ils vivent un cycle plus long et quantitativement plus faible que tous ceux qui l’ont précédé depuis la seconde guerre mondiale. Ils ne comprennent pas bien ce qui leur arrive. Plus surprenant encore, ce cycle mou les conduit au plein emploi, avec un taux de chômage de 4,9% et sans inflation : 1,2%, 2% peut-être l’an prochain. Les hausses de salaires viennent à peine de naître et de s’étendre.

Voilà donc la nouvelle respiration américaine : une aspiration (une expansion) plus longue, plus faible, peu inflationniste et… qui conduit quand même au plein emploi. Etrange. Et que va-t-il se passer ensuite ? C’est la question et c’est l’inquiétude. En effet, avec ce plein emploi peu inflationniste, les taux courts sont très bas : vers 0,5% en fin d’année. Les taux longs, du fait de la politique d’achats de titres publics, sont à un minimum historique : 1,5%. Cependant, on voit déjà le profit des entreprises fléchir et les bourses s’interroger. Elles résistent en effet, mais grâce à cette politique monétaire. Et dans deux ans, si arrive une récession (expiration) américaine ? Alors, comment faudra-t-il la freiner, par la baisse des taux, sachant qu’ils sont si bas ? Allons-nous vers une baisse d’activité plus sévère, plus difficile à corriger, qui annoncera une reprise durablement plus faible ?

Regardons la France. Voilà près de sept ans que nous sommes sortis d’une récession, bien plus modeste que celle des Etats-Unis, et nous sommes à peine à 1,3% de croissance, sans inflation (0%), mais avec un taux de chômage à 9,7%. Notre cycle est bien plus raboté que celui des Etats-Unis, surtout pour l’emploi. Il est aussi moitié moins fort que celui de l’Allemagne, qui est, elle, en plein emploi, comme les Etats-Unis.

Comment comprendre cette nouvelle respiration de nos économies ? Comment l’apprendre ? Comment en profiter ? Le choc de la Grande récession a été partout très violent. Il a été lié à la finance bien sûr, mais plus encore à la diffusion de nouvelles technologies de communication et d’information. Très vite, les entreprises ont dû s’adapter en coupant dans leurs effectifs, notamment dans ceux qui étaient les moins formés. Depuis, elles ont reconstitué leurs marges, recommencé à embaucher des spécialistes d’abord et maintenant, aux Etats-Unis seulement, des compétences intermédiaires. La crise a diminué la population active partout, faisant seulement monter les salaires des geeks et autres spécialistes de la gestion des bases de données, réduisant les emplois « du milieu » des qualifications et gelant leur rémunération. Voilà pourquoi il a fallu tant de temps pour que la structure du marché du travail se reconstitue, avec de nouveaux emplois, de nouvelles qualifications, puis des salaires – légèrement – augmentés.

Comment allons-nous donc respirer demain ? Mieux, si nous comprenons cette nouvelle forme de l’expansion. Nous n’avons plus le rythme classique de sept ans, expansion (de 3 à 4 ans) puis récession (de 2 à 3 ans). Nous devons nous préparer à des expansions qui dureront dix ans et plus, avec l’idée de les consolider au fur et à mesure. Plus cette expansion durera, plus il faudra faire en sorte qu’elle se renforce et permette de résister à la récession, qui viendra tôt ou tard. Cette récession ne sera plus tellement atténuée par le déficit budgétaire : il pourra peu monter, du fait du niveau de la dette publique par rapport au PIB. De son côté, le taux d’intérêt de la Banque Centrale ne pourra évidemment pas beaucoup baisser. Tout reposera donc sur la compétence et la coopération des salariés. Ils combattront la récession par leurs capacités d’innovation et de recherche de qualité.

Nous devons apprendre à respirer différemment, plus longuement et calmement, avec beaucoup plus de capital humain pour éviter d’utiliser notre capital budgétaire et notre capital financier, déjà trop sollicités. Savoir respirer mieux grâce à la formation, c’est-à-dire à l’employabilité qui est le salaire à long terme, c’est savoir vivre mieux.