La zizanie, plante politique

- Ecrit par

 La zizanie, plante politique

La zizanie est une herbe tenace qui, en politique, s’épanouit durant les saisons électorales, mais sans jamais vraiment disparaître, avant ou après. L’origine du mot en est la preuve : on le trouve dans le sumérien, qui le passe au syriaque, qui le donne au grec. Le latin le copie, et il nous arrive. C’est du mauvais blé, de l’ivraie, dont il nous faudra trier « le bon grain ». Mais, hors l’injonction de la Bible, cette tâche devenue écologico-politique ne va pas de soi, tant les espèces mutent et se mêlent, principalement entre les temps de semailles électorales et de récoltes des scrutins. L’ivraie se reproduit surtout par la parole des politiques et a donc besoin de les faire manger et boire. Les agronomes en science politique en distinguent quatre espèces : la zizanie transplantée, la zizanie exportée, la zizanie intra-partisane et la zizanie importée.

La zizanie politique transplantée est la plus importante. Elle provient de quelques terrains propices. A Paris, ce sont les jardins de l’Élysée, de Matignon, du Parlement et du Sénat. Les conditions sont réunies à son développement : une très forte densité de pousses, motivées par de très solides espoirs d’ascension et, paradoxalement, par une sélection très sévère. Les plantes retenues ne sont pas nécessairement les plus belles, les plus intéressantes ou les plus riches de promesses, mais celles qui se montrent les plus pugnaces au temps des élections. La zizanie politique est ce que Darwin aurait qualifié de « sélection naturelle » : il s’agissait pour lui des mieux adaptées aux exigences de l’environnement. En politique, ce sont des « animaux » qui résistent en attaquant, venimeux, caméléons, au derme épais. Leur longévité est la preuve de leur qualité : Mitterrand, Chirac.

La zizanie exportée est la plus fréquente et, dira-t-on, la plus normale, venant surtout des extrêmes du champ, à droite et à gauche, étant alors d’autant plus virulente. On le voit tous les jours : ces plantes sont, à la fois, très exposées aux critiques et autres désherbants, et symétriquement remarquablement résistantes, comme si la lutte était, plus que pour les autres, la condition de leur survie. De fait elles sont agressives, ne trouvant d’autres moyens pour subsister qu’en gagnant quelque espace. Tel parti politique prendra ainsi un « malin » plaisir à souligner les écarts d’analyse parmi les membres d’autres partis, soit dans le temps soit – mieux encore – entre eux. Évidemment, c’est plus facile quand le parti opposant (ou politiquement éloigné) ou concurrent (ou politiquement proche), ce qui revient au même, expose ses différences. Elles apparaissent grâce aux écoles ou factions, à la Chambre ou à l’occasion de Congrès, d’élections à sa tête, que ce soit pour diriger une liste ou, mieux encore, pour l’élection présidentielle. Il suffit alors d’interviewer et de citer avec soin. Si rien n’apparaît, il faut loupe ou imagination. Pas la peine, avec les « frondeurs du PS ».

La zizanie interne à un même parti est l’espèce la plus suivie par les médias. Elle naît de tout interstice dans un programme quel qu’il soit, de l’impatience d’un élu qui ne se juge pas assez reconnu, cité ou mis en avant. Avec évidence, les médias locaux ou nationaux vont aider à son extension, les citations tronquées ou anonymes étant précieuses : « un proche qui ne veut pas être cité pense que… ». On l’a compris, cette espèce ne peut naître et s’étendre que la nuit, avant d’être exposée à une lumière qui pourrait la tuer. Exemple : la France insoumise n’a aucune transparence, mais l’exige de tous les autres.

La zizanie importée enfin, aujourd’hui en très forte expansion, est propagée par les médias, surtout par les réseaux sociaux, les usines de fake news et leurs robots de tir (chatbots). Les botanistes remarquent aujourd’hui que cette zizanie informatique remplace les attaques, autrement plus violentes et avec de rares insultes, de l’entre-deux guerres jusqu’aux années cinquante de l’extrême droite, aujourd’hui RN ou bien des Communistes, devenus plus calmes. La zizanie fonctionne à la rumeur et au complot, comme toujours, mais bien plus aux faux. Faux messages et tweets, photos et films sèment plus le trouble et la confusion que les livres et articles que personne ne lit, sauf des extraits. Voir Russie.

La zizanie n’est pas du tout menacée, mais mutante. Les femmes et hommes politiques ne changent pas, les herbes qui les entourent oui. Les Macronistes vont s’y mettre : ça pousse !