Il nous faut de plus en plus d’explications simples…
Pour comprendre la marche de ce monde. Et si elles ne le sont pas assez, au moins qu’elles soient unifiées. Longtemps, les dieux grecs nous ont bien servi, par leur nombre, leurs bisbilles, leurs responsabilités multiples et confuses, leurs conflits de famille et d’égos, à nous dire qu’il ne servait à rien de tenter de se fatiguer à comprendre ce qui se passait. Et, a fortiori, ce qui se passerait. Nos lointains ancêtres en tiraient alors comme philosophie que tout s’expliquait par des raisons divines, donc ne s’expliquait pas. Il nous fallait seulement subir. Les dieux décidaient ainsi du sort de Troie et du nôtre, par calcul, hasard ou caprice. Il ne s’agissait pas de guerres commerciales ou de conflits de puissances. Seuls des sacrifices pouvaient apaiser ces dieux grecs, pour nous les rendre favorables. Puis vinrent les dieux des Testaments, assez prévisibles eux. Ils nous envoyaient en effet quelques commandements simples, qu’il nous appartenait de suivre. Autrement, nous deviendrions comptables (coupables) de nos malheurs, avec l’espoir d’être pardonnés de nos péchés véniels. Les mortels engageaient seuls notre responsabilité, et notre conscience, pour longtemps.
Avec Marx et Freud viennent d’autres lois
Une loi économico-démographique nous arrive bien après avec Marx. En pleine lutte entre capitalistes, ils seront de moins en moins nombreux, avec tous ces groupes qui n’ont de cesse de se concentrer, face à de plus en plus de prolétaires. Plus riches mais moins nombreux : le sort des capitalistes est donc scellé par la lutte des classes, d’autant plus qu’ils continuent de se faire une concurrence acharnée. Psychologiquement, nous devenons alors calculateurs et envieux, certains riches et, surtout, tous plongés dans « les eaux froides du calcul égoïste ». Avec Freud par contre, ce ne sont plus des lois économiques, mondiales et abstraites qui nous façonnent, mais notre moi profond, sans en avoir conscience. Tout devient alors rapports au sein de la famille qui, par expansion et croisements, expliquent le monde, non plus « rapports sociaux de production ». Éros et Thanatos quittent l’Olympe et reprennent du service, suivant Œdipe. Pour comprendre ce qui se passe partout au-dehors, il faut désormais savoir et admettre ce qui se passe au plus profond de nous. Entre les lois venant de nos avancées, économiques et sociales, et celles remontant de nos origines longtemps refoulées, nous voilà coincés par les XIXème et XXème siècles. Économie ou psychanalyse : que dira le nôtre ?
La psychologie, nouvelle star
C’est la gagnante du débat, gagnante médiatique en fait. Ainsi tout s’explique : Trump veut être maître du monde et prendre « ses revanches » contre ce « tout » qu’il a subi. Ce milliardaire soignera donc ses refoulements en terrorisant ses opposants, en commençant par ses fidèles, puis par ses amis, puis par ses alliés. De son père, dit-on, il a appris les rapports de force et à ne pas reconnaître ses erreurs et échecs, plus reçu quelques centaines de millions de dollars en héritage, pour se lancer dans la vie. Ceci explique-t-il tout ce qu’il fait actuellement, avec en prime le désir d’un Prix Nobel de la Paix ? Poutine peut-il se comprendre par ses premières années d’espion devant quitter la RDA et désireux de rebâtir l’URSS ? Macron, par son mariage avec plus mûre que lui ? Marine Le Pen, par le meurtre du père ?
La psychologie, trop facile
Oui, expliquer tant de décisions de nos principaux dirigeants par si peu de raisons permet certes de nombreux commentaires, aussi opposés qu’invérifiables, mais surtout d’analyser, expliquer, voire de juger ces dirigeants comme autant d’êtres humains, bref comme nous. La psychologie nivelle : les problèmes du monde sont ceux de nos chefs, mais à cause de leurs propres travers. Nous n’y sommes pour rien. C’est pratique ! En même temps, les bouleversements climatiques montrent ce qui nous menace et appellent à une solution commune. Mais plus ce monde avance, plus il devient complexe et échappe à notre soif de vite le comprendre, pour le changer rapidement.
Xi, Poutine et Trump, c’est tentant
Très tentant même de demander à ces trois hommes de chercher et mettre en œuvre une solution pour tous, même sans nous. Mais il s’agit de trois psychologies différentes, parce qu’elles reflètent trois puissances. Ce n’est pas leur faute, mais la nôtre, de rêver qu’ils puissent mettre leur « moi » au service de notre « nous ».