La guerre de la haine

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C'est faire trop d'honneur à ce qui vient de se passer à Paris que de parler de "terrorisme". Le terroriste veut terroriser. Là, c’est de haine qu’il s’agit.

 La guerre de la haine

Illustration : Les Cartons

 

Le haineux n’est pas le kamikaze japonais, qui est au fond un guerrier. La haine n’est pas ce qu’on nomme techniquement une  « guerre asymétrique » du faible au fort, qui suppose un peu de logique. Ce n’est pas non plus une guerre religieuse : on ne fait pas des martyrs avec ceux qui tuent des innocents. L’acte de haine vient de celui qui a, en fait, perdu et veut, auparavant, faire le plus de mal possible. C’est l’acte de celui qui s’oppose à tous parce qu’il les hait tous, autant qu’il se hait lui-même. Il les fait ainsi s’unir, précipitant sa chute. Mais ce n’est ni immédiat, ni surtout automatique. Il faut agir.

Les attaques qui viennent d’éclater à Paris ce vendredi 13 novembre au soir bouleversent notre reprise économique et nous bouleversent. Les guerres en Irak, en Syrie, au Liban, et dans tant de pays d’Afrique se propagent à l’Europe. Ce ne sont plus les migrants qui les fuient. Ce sont des Européens ordinaires qui en sont jugés responsables, et exécutés. La France, en première ligne dans son combat pour les libertés, en est la cible principale.

Si le terroriste veut terroriser, le haineux veut tuer. Le terroriste veut empêcher de penser, le haineux de danser. Il veut empêcher d’être différent de lui. On ne peut donc négocier avec lui. Le haineux frappe aujourd’hui les lieux de vie à Paris, comme le terroriste avait frappé les symboles de réussite et de richesse à New York, le 11 septembre 2001.

Pour le haineux, le monde dans lequel nous entrons n’est pas celui des grandes politiques économiques et monétaires à coordonner, des ralentissements économiques en Chine ou ailleurs à gérer, des révolutions technologiques à dominer et du réchauffement climatique à maîtriser. Ce n’est pas celui des problèmes et périls communs qui sont là pour nous unir, derrière des solutions partagées. C’est l’anti-COP21.

Pour le haineux, le premier ennemi, c’est l’arabe ou le musulman qui n’épouse pas son combat. Il veut lui rendre la vie impossible. Il parie que certains se radicaliseront et le rejoindront, tant pis pour les autres. La guerre des religions est plus son excuse que son but. Il lui faut des corps pour ses ceintures d’explosifs. Sa haine de l’autre n’a pas de limite. Elle s’étend à tous, à nous, manipulée par des haineux qui, eux, savent calculer (et entasser).

Pour lutter contre le haineux, il ne s’agit pas ici de donner de solutions qui dépendent pour une bonne part des forces de sécurité et d’information, mais de combattre dans la durée les sources économiques de la crise. C’est le chômage de masse qui nourrit les extrêmes. C’est la formation et la croissance qui font la paix. Il s’agit donc de redoubler d’efforts pour comprendre et maîtriser les changements en cours, pour profiter des possibilités qui s’ouvrent, notamment en Afrique – notre continent d’espoir, notamment pour aider les jeunes à se faire un avenir – notre avenir. Le camp de la liberté gagne en rapprochant les hommes. Il gagne par les réseaux d’échanges, d’information et d’entraide, par la confiance. Il gagne aussi, ne soyons pas naïfs, par les systèmes de surveillance et d’échanges qui doivent être à la fois plus centralisés et surtout plus décentralisés et interdépendants.

La nouveauté de cette guerre est la synchronisation des actes meurtriers. C’est sa force d’horreur, c’est aussi sa faiblesse, car elle doit préparer, communiquer, tester. Donc elle se découvre. Comme toujours dans une guerre, il y a des risques d’escalade, mais aussi des bienfaits dont on ne parle pas. Le risque d’escalade, c’est la montée aux extrêmes dans la violence. Le bienfait de l’escalade, c’est la prise de conscience, par chacun, de ce même monde qui change plus et plus vite que jamais. C’est le partage d’informations qui aide à comprendre ce qui se passe autour de nous et qui menace si on ne le voit pas, ne le sait pas, ne le maîtrise pas, et donc n’en parle pas. C’est le partage d’informations qui aide le voisin, le jeune, le vieux, le collègue de travail, le supérieur, le client, le parent.

En ces temps de deuil, ne perdons pas de vue l’essentiel : ces actes font l’union de tous contre les haineux. Ils sont perdants. L’union des peuples et des pays seule permet de gagner. Tirons-en les conséquences économiques et sociales pour avancer et sortir ensemble de cette crise mondiale. Le pire permet le meilleur.